Visé par les critiques depuis l'annonce de la fermeture de l'Excentris cette semaine, le président des Films Séville, Patrick Roy, riposte. «La fréquentation d'un cinéma incombe à ses gestionnaires et ses programmateurs et je me demande si l'équipe de direction [du Cinéma Parallèle] a fait tous les efforts nécessaires pour rejoindre son public», a-t-il écrit dans une lettre envoyée aux médias.

Mardi dernier, le Cinéma Parallèle, un organisme à but non lucratif qui possède et gère le complexe Excentris, a cessé ses activités en salles. «[Notre] santé financière est directement proportionnelle à notre capacité à [nous] approvisionner auprès des distributeurs en films d'auteur à plus large portée. Et c'est là que le bât a blessé», avait écrit son conseil d'administration, montrant du doigt les distributeurs, dont Les Films Séville.

Cette critique est mal accueillie par le distributeur.

«Ça me semble beaucoup trop facile de blâmer uniquement les distributeurs [...], alors que plusieurs autres facteurs ont clairement mené à la décision annoncée cette semaine.» - Patrick Roy, président des Films Séville, dans sa lettre aux médias

«Bien que nous connaissons la situation fragile d'Excentris, nous n'avons jamais été invités à participer à une discussion franche sur sa situation à long terme», poursuit-il dans sa lettre.

Désaccord

Cette déclaration surprend la directrice générale du Cinéma Parallèle, Hélène Blanchet. «C'est tout simplement faux. J'ai rencontré Patrick Roy à deux reprises dans les dernières années pour discuter de la situation. Chaque fois, il m'a répété qu'il faisait de son mieux pour les films avant tout. Mon argument qu'il faut protéger l'écosystème dans lequel les films sont diffusés ne l'affectait pas», a-t-elle dit à La Presse hier.

Dans sa lettre, le président des Films Séville soutient aussi avoir «insisté auprès des dirigeants de l'Excentris sur la pertinence d'y présenter des films porteurs en version originale avec sous-titres français [...] et ce, même si cette proposition nous obligeait à encourir des dépenses additionnelles.»

«C'est ironique, a répondu Mme Blanchet, car nous avons instauré cette façon de faire et nous avons payé à plusieurs reprises pour les sous-titres.»

La directrice générale de l'organisme ne veut toutefois pas tomber dans une «guéguerre» contre Les Films Séville, dit-elle, «parce que, de toute façon, l'Excentris est à terre».

Joint par La Presse, Patrick Roy n'a pas voulu faire plus de commentaires.

Montréal ne sortira pas le chéquier

Tout comme le gouvernement du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), la Ville de Montréal a été, ces dernières années, un partenaire majeur de l'institution cinématographique du boulevard Saint-Laurent.

En 2011, lors du rachat de l'Excentris par le Cinéma Parallèle, la Ville avait accordé à l'organisme une subvention de 2,7 millions pour qu'il réalise son plan d'affaires. Maintenant que les activités ont cessé, cet investissement a-t-il été vain? 

«On a servi les films pendant quatre ans. Nous étions présents sur le boulevard Saint-Laurent, on ne peut pas dire que c'est complètement perdu.» - Hélène Blanchet, directrice générale du Cinéma Parallèle

Si certaines voix s'élèvent ces jours-ci pour que les instances publiques soutiennent une nouvelle relance de l'Excentris, la Ville de Montréal ne sortira pas son chéquier une fois de plus pour sauver l'institution.

«Montréal et l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal sont intervenus à plusieurs reprises ces dernières années. [...] Excentris n'en est pas à ses premières difficultés et on est allés au bout de nos capacités», a affirmé à La Presse Manon Gauthier, responsable au comité exécutif de la Ville de Montréal des dossiers concernant la culture.

En septembre dernier, a-t-elle rappelé, le maire de Montréal Denis Coderre a annoncé la création d'un comité sur l'industrie du cinéma et de la télévision.

«Il faut que la Ville joue son rôle pour fédérer l'ensemble des joueurs, et c'est ce que le maire souhaite. [...] Ce qui arrive à l'Excentris témoigne du besoin de réflexion sur l'ensemble de l'écosystème [du cinéma]», a dit Mme Gauthier.

Or, depuis septembre, ce comité n'a toujours pas été mis sur pied. D'ailleurs, la direction du Cinéma Parallèle et la SODEC ont affirmé à La Presse ne pas avoir été consultées par le cabinet du maire.

Réunion d'urgence

De son côté, la ministre de la Culture, Hélène David, a également demandé à la SODEC de se pencher sur le problème de la diffusion des films en salles en convoquant une réunion du Conseil national du cinéma et de la production télévisuelle, un organisme consultatif de la société d'État. Cette réunion d'urgence se tiendra le 19 janvier prochain.

«Pour l'instant, à titre de créancier principal, nous ne nous prononcerons pas sur les divers scénarios qui sont exposés sur la place publique», a affirmé à La Presse la présidente et chef de la direction de la SODEC, Monique Simard.

«Mais il y a deux choses à distinguer. D'abord, il y a la mission du Cinéma Parallèle. C'est une mission de programmation qui peut être exercée dans n'importe quelle salle. Et puis il y a le bâtiment, le complexe Excentris. Ce sont deux choses différentes. À la SODEC, notre intérêt est le cinéma québécois. Je veux que les films dans lesquels nous investissons puissent trouver un écran. Nous ne sommes pas dans le béton», a-t-elle affirmé.