Loin des paillettes d'Hollywood, les 33 mineurs d'Atacama, devenus mondialement célèbres en 2010 par leur sauvetage épique après 69 jours sous terre, ne cachent pas leur amertume, au moment où le film inspiré de leur histoire sort aux États-Unis.

«Dès le début, on s'est sentis abandonnés», soupire Jessica Cortés, épouse de Victor Zamora, l'un des mineurs pris au piège il y a cinq ans par un éboulement à plus de 600 mètres de profondeur, dans une vieille mine de cuivre du désert d'Atacama, le plus aride de la planète.

«Je le dis parce que je suis celle qui vit au jour le jour avec lui, durant toutes ces années d'angoisse, en le voyant déprimer parce qu'il ne trouve pas de travail, parce qu'il se sent arnaqué», poursuit-elle.

Les souvenirs remontent à la surface alors que le film The 33, réalisé par la Mexicaine Patricia Riggen, sort vendredi aux États-Unis, avec Antonio Banderas et Juliette Binoche.

Quelques-uns de ces mineurs, dont le sauvetage avait été suivi en direct par les télévisions du monde entier, ont vu l'avenir leur sourire après cette odyssée.

Le plus charismatique, Mario Sepulveda, incarné à l'écran par Banderas, est aujourd'hui un homme d'affaires prospère dans le secteur de la construction.

Mais beaucoup d'autres ont connu l'échec, la frustration, la jalousie, dépassés par une célébrité dont ils ne pensent pas avoir profité.

C'est le cas de Victor Zamora, qui vit avec sa femme et ses deux enfants dans le même dénuement qu'avant, survivant avec des petits boulots, une pension mensuelle de 450 $ du gouvernement et un logement social.

Pour certains, «cela a été difficile de trouver du travail, car personne ne voulait se risquer à nous embaucher», raconte Luis Urzua, chef d'équipe des mineurs qui, par son autorité, avait pu organiser le rationnement durant leur calvaire.

Le psychologue Alberto Iturra, présent pendant la majeure partie des opérations de secours, confirme cette réticence à recruter les nouveaux héros du pays.

Les mineurs «ont été marqués négativement comme travailleurs, car (les patrons) se disaient qu'à n'importe quel moment ils allaient demander des congés, arrêter de travailler ou, pire encore, qu'ils n'allaient pas supporter le stress».

«Chaque camarade a son histoire»

Luis Urzua, qui avait été le dernier à sortir de la mine, reconnaît que certains de ses anciens camarades ont retrouvé un emploi dans les mines et vivent mieux qu'avant.

Lui-même a connu un parcours en demi-teinte, longtemps au chômage avant d'être embauché récemment au Service national de géologie et des mines du Chili.

«Chaque camarade a son histoire et l'a vécue à sa façon», dit simplement Mario Sepulveda.

Alors que leur épopée avait été célébrée dans le monde comme un exemple de solidarité et d'amitié, l'unité du groupe n'a pas tenu longtemps: dès le début, des tensions sont nées quant à la manière d'affronter les médias.

Plus tard, c'est la vente des droits de leur histoire qui a creusé le fossé entre anciens collègues. Neuf d'entre eux, menés par Luis Urzua, ont porté plainte début novembre contre leurs avocats, estimant avoir été floués.

Dans un entretien à l'AFP, Antonio Banderas s'en est ému cette semaine: «Ils ne vont pas bien. Psychologiquement, ils sont très atteints, ils ont gagné très peu d'argent sur les droits d'auteur», a-t-il souligné, appelant le gouvernement à «prendre plus soin d'eux».

Mais tout n'est pas noir dans la vie de ces 33 Chiliens, qui ont tous connu leur moment de gloire après leur retour à la surface, le 13 octobre 2010.

La majorité d'entre eux ont fait le tour du monde pour raconter leur aventure. Chacun a reçu 7000 $ en cadeau de Leonardo Farkas, un excentrique homme d'affaires chilien.

L'épilogue le plus joli reste celui vécu par le mineur Daniel Herrera: une Allemande qui avait suivi le sauvetage à la télévision est tombée amoureuse et l'a contactée par les réseaux sociaux.

Ils sont désormais mariés et vivent heureux au Chili.