La vie épique de Peggy Guggenheim, collectionneuse d'art visionnaire et grande séductrice, est à l'honneur d'un nouveau documentaire retraçant la destinée de cette héritière d'une dynastie qui a marqué le XXe siècle.

Peggy Guggenheim: Art Addict, qui sort ce mois-ci aux États-Unis et sera diffusé en Europe ultérieurement, s'appuie sur des enregistrements jamais diffusés, les dernières entrevues qu'elle a accordées avant sa mort en 1979, à l'âge de 81 ans.

Le film retrace la vie de celle qui eut pour amants des artistes aussi exceptionnels que Samuel Beckett, Max Ernst et Marcel Duchamp. Il n'évite aucun sujet, de son opération du nez ratée à sa relation troublée avec sa fille, Pegeen, morte à 41 ans.

La réalisatrice Lisa Immordino Vreeland a raconté à l'AFP la genèse de ce projet qui a mis trois ans à voir le jour et pour lequel elle a interviewé 60 personnes.

«J'avais l'impression qu'elle était incomprise et que son impact sur le monde de l'art était sous-estimé», a commenté Mme Vreeland, dont le premier film, en 2011, était consacré à Diana Vreeland, grand-mère de son mari et l'une des grandes icônes de mode du siècle dernier.

«L'autre facette de Guggenheim, son côté sexuel, ses exploits, faisait aussi d'elle un personnage fantastique», a poursuivi la cinéaste, qui dit ne pas s'être intéressée aux «amants mais à ce regard très moderne qu'elle avait sur la vie».

Le film relate notamment comment cette membre de la dynastie Guggenheim, nièce du fondateur du célèbre musée éponyme à New York, a aidé à lancer la carrière d'artistes majeurs.

Grâce à ce qui n'était à l'origine qu'une modeste fortune, elle a su accumuler l'une des plus incroyables collections d'art contemporain, guidée par son instinct, et au début par l'artiste français Marcel Duchamp.

Elle a notamment soutenu financièrement à ses débuts le peintre abstrait Jackson Pollock, à qui elle versait une bourse mensuelle, et l'artiste allemand Max Ernst, qu'elle a épousé puis dont elle a divorcé deux ans après.

«Choix courageux»

«Elle n'était pas seulement connectée à l'art mais aux artistes» et a fait «beaucoup de choix courageux», dit de cette femme libérée avant l'heure la cinéaste.

Le film retrace aussi les tragédies familiales qui ont émaillé sa vie.

La disparition de son père dans le naufrage du Titanic quand elle n'avait que 13 ans l'a dévastée, puis celle de l'intellectuel anglais John Holms, décrit comme le plus grand amour de sa vie.

Elle a aussi eu des relations difficiles avec les deux enfants nés de son mariage avec l'écrivain Laurence Vail.

«Je pense qu'elle avait un vide émotionnel qu'elle comblait avec l'art», estime la réalisatrice.

Peggy Guggenheim a fini sa vie seule dans un palace à Venise, entourée de sa collection inestimable et de ses nombreux chiens, surnommée «l'Américaine folle».

«Je pense qu'elle était très seule, (...) qu'elle l'a toujours été mais que c'est ressorti plus vers la fin de sa vie», poursuit Mme Vreeland.