La Presse a été invitée à la projection du film québécois Turbo Kid au Festival international du film fantastique de Bruxelles (BIFFF). Or, projection est un mot faible. Il faut davantage parler d'événement. Car après ses passages remarqués aux festivals de Sundance et South by Southwest, Turbo Kid a enflammé la capitale belge. Récit.

Les scénaristes et réalisateurs Yoann-Karl Whissell, Anouk Whissell et François Simard étaient prêts. Ils avaient choisi et mémorisé les chansons des téléséries Goldorak et Les mystérieuses cités d'or, sachant que les cinéphiles venus voir leur opus Turbo Kid se feraient insistants.

Et de fait, en grimpant, autour de 22h30 vendredi dernier, sur la scène de la salle Ciné 1 de Bozar, immense complexe bruxellois consacré à la culture, ils ont embarqué dans le jeu de cette foule jeune, branchée, hilare et bruyante, réclamant: «Une chanson! Une chanson! Une chanson!»

La productrice Anne-Marie Gélinas, d'EMA Films, s'est jointe au trio pour ce rituel initiatique incontournable destiné à créer ambiance et esprit de corps. Doit-on ajouter que les centaines de spectateurs présents chantaient les paroles par coeur et tapaient des mains?

C'est ainsi que Turbo Kid, film post-apocalyptique, gore, comique, romancé et rétrofuturiste, puisque campé en 1997 sur une planète Terre agonisante, a fait ses premiers pas en Europe.

Dans le vaste monde du film de genre, une projection de fin de soirée est toujours un événement, avec sa douce folie, ses codes, son côté festif et participatif. À l'image de celles du film culte The Rocky Horror Picture Show au cours desquelles des millions d'adeptes ont communié dans les années 70 et 80.

Vendredi soir au Bozar, le préambule à Turbo Kid fut ainsi un long moment de rigolade où les mots d'esprit étaient bienvenus.

Ainsi, lorsque Yoann-Karl Whissell a pris la parole, un quidam dans la salle lui a balancé un «En français!» auquel M. Whissell a répondu du tac au tac et la voix chargée de l'accent québécois: «On va se battre!» Et lorsqu'on a passé le micro à Anouk, le public en majorité formé de jeunes hommes s'est mis à hurler de joie.

En énumérant les principaux comédiens de la distribution, le présentateur, nécessairement doué dans l'art de chauffer une salle, a nommé Laurence Leboeuf (absente) avant d'ajouter: «... qui n'a rien en commun avec Shia». La foule était de nouveau pliée en deux.

Et ça ne faisait que commencer!

Tabac à Sundance et à Austin

Travaillant sous l'acronyme RKSS, pour «Road Kill Super Stars», les trois scénaristes et réalisateurs récoltent avec Turbo Kid ce qu'ils sèment depuis des années. Très soudé (Anouk est la soeur de Yoann-Karl et la conjointe de François), RKSS a signé une bonne vingtaine de courts métrages depuis une quinzaine d'années.

Turbo Kid, qui est le premier long métrage du trio, a fait un tabac lors de sa première mondiale, en janvier dernier à Sundance. Puis, au prestigieux festival South by Southwest tenu à Austin, au Texas, le film a récolté le Prix du public.

À Bruxelles, le BIFFF voulait tellement cette première européenne que la projection de minuit a été avancée à 22h30, 90 minutes avant la présentation du film dans un autre festival, à Copenhague. Aussi projeté à Amsterdam ce week-end, Turbo Kid devrait arriver sur les écrans québécois en août après un très probable passage à Fantasia.

Une première québécoise au festival Fantasia serait dans la logique des choses. Car si le long métrage a vu le jour, c'est parce qu'il est issu d'un accord de coproduction passé entre Mme Gélinas et le producteur néo-zélandais Ant Timpson à Frontières, un marché de coproduction de films créé par Fantasia. Lancé à Montréal en 2012, Frontières s'est vite imposé et a ouvert une succursale à Bruxelles, en parallèle au BIFFF.

Nostalgie

Mettant en vedette Munro Chambers et Laurence Leboeuf, Turbo Kid raconte l'histoire de The Kid, un orphelin qui, vivant seul dans un monde hostile et austère, fouille les dépotoirs à la recherche de vieux objets à échanger contre de l'eau potable, élément devenu extrêmement rare.

Adepte de vieilles bandes dessinées avec des héros en costume, The Kid aura l'occasion de devenir lui-même un personnage avec des pouvoirs surnaturels en se portant au secours d'Apple, jeune femme naïve et émerveillée qui se fait kidnapper par des mercenaires sanguinaires. Attention, ça bouge, ça cogne et ça saigne!

En entrevue, les trois cinéastes et amis expliquent avec des étoiles dans les yeux que ce film possède une bonne charge de nostalgie. «C'est une réelle lettre d'amour à notre enfance et notre adolescence», dit Yoann-Karl. «Tout ce qui inspire notre jeunesse, comme les bicyclettes BMX, les bandes dessinées de superhéros [«Les céréales Lucky Charms avec des guimauves», ajoute Anouk], nous inspire», dit François.

Et bien sûr, les films de genre font partie de cette enfance et cette adolescence chéries. «Dans les premières années du festival Fantasia, nous passions à travers toute la programmation», se souvient Anouk.

Inspiré par ce qui leur arrive, RKSS garde néanmoins les pieds sur terre. Vendredi soir, nos trois jeunes cinéastes étaient souriants, enjoués, mais admettaient leur nervosité. À la sortie du film, ils échangeaient, émus et soulagés, poignées de main, câlins et bises avec de nombreux spectateurs ravis.

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Les frais de ce reportage ont été payés par le distributeur Filmoption et le marché Frontières.