Le vieux théâtre Empress, ce bâtiment de style néo-égyptien qui règne tel un pharaon abandonné devant le parc Girouard, rue Sherbrooke Ouest dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, pourrait bien renaître de ses cendres. C'est du moins le projet d'un groupe de passionnés du cinéma, qui a pour objectif de créer en ces lieux un centre multifonctionnel incluant quatre salles de cinéma, un restaurant, un café et bien plus.

Quelques jours après leur présentation à l'événement «je vois mtl», La Presse a pu profiter d'une rare visite de l'édifice et constater l'ampleur du chantier à venir. Voici notre photoreportage où nous vous invitons à plonger dans l'histoire, voyageant entre les décombres d'aujourd'hui et le lustre d'antan.

Barricadé, abandonné

Mais qu'est-ce que ce bâtiment aux allures égyptiennes qui semble oublié à l'entrée du quartier NDG? Nos plus jeunes lecteurs, dont les étudiants de l'Université Concordia qui passent devant chaque jour pour se rendre au campus Loyola, se sont probablement souvent posé la question.

Or, le théâtre Empress, qui a connu mille vies depuis sa construction en 1927, a une longue histoire. Abandonné depuis un incendie qui a lourdement endommagé l'intérieur en 1992, un organisme à but non lucratif - le Cinéma NDG - complète ces jours-ci son montage financier pour réinvestir l'endroit.

Selon Elaine Ethier, l'instigatrice du projet, il ne manquerait plus qu'un partenaire majeur pour lancer le chantier.

La structure interne lourdement modifiée

À l'époque, le théâtre Empress était une gigantesque salle de 1550 places, comprenant un parterre et un balcon.

Sur scène, plusieurs spectacles de tous genres s'y produisaient, du vaudeville au burlesque. On y offrait même du cinéma érotique à une certaine époque!

C'est pendant cette période que la structure interne de l'édifice a été lourdement modifiée. Le balcon a été démantelé, transformé en un premier étage entièrement autonome.

Dans son projet, le Cinéma NDG ne prévoit pas retourner à la disposition initiale de l'Empress. Au contraire, l'organisme prévoit construire quatre salles de cinéma à l'étage et diversifier son offre culturelle et alimentaire au rez-de-chaussée.

Photo: André Pichette, La Presse et Organisation du cinéma NDG

Les «Follies» destructrices

Tout au long de son histoire, l'Empress a subi de nombreuses transformations, parfois heureuses, parfois destructrices.

Ce fut le cas en 1962, lorsque le théâtre a été rouvert sous la forme d'un «supper club». Ce nouveau complexe, baptisé Les Royal Follies, a nécessité une reconfiguration extrême de la salle, un chantier qui a détruit en partie le décor intérieur réalisé par le peintre montréalais d'origine maltaise, Emmanuel Briffa.

À la mezzanine, l'époustouflant salon néo-égyptien a été modifié pour arborer une allure plus «contemporaine».

Aujourd'hui, il ne reste plus que quelques toiles et tapisseries de l'époque. C'est dans cette pièce qu'Elaine Ethier veut créer un café et un hall d'exposition où les cinéphiles pourront se rencontrer après les projections.

Photo: André Pichette, La Presse et Organisation du cinéma NDG

Des salles d'essayage à la vue des passants

L'Empress nouveau genre, Les Royal Follies, a attiré une foule bigarrée qui se différenciait grandement du public cinéphile initial.

Dans l'arrière-scène, qui serait toujours l'une des plus élevées de Montréal, des loges furent aménagées pour les actrices qui changeaient de costumes pendant les pauses.

Ces salles d'essayage, placées tout près des fenêtres, ont fait le bonheur de bien des passants, qui ne se faisaient pas prier pour s'arrêter et observer le «spectacle» depuis la rue, raconte Elaine Ethier.

Aujourd'hui, l'arrière-scène tient toujours en place, permettant d'observer les anciennes salles où les actrices se changeaient. Sur un des murs, il est même encore possible de voir une partie du rideau qui cachait l'arrière du décor.

Photo: André Pichette, La Presse et Organisation du cinéma NDG

Les belles années du Cinéma V

Plusieurs se souviendront des belles années du Cinéma V et de ses deux salles: la Red Room au rez-de-chaussée, où étaient projetés des films grand public, ainsi que la Blue Room à l'étage, où l'on proposait une sélection alternative.

Dans ce qu'il reste de la petite salle où travaillait à l'époque le projectionniste, on se croirait dans un vieux décor du film Cinéma Paradiso.

Lors de cette nouvelle conversion de l'édifice, plusieurs éléments du décor néo-égyptien de l'Empress n'ont pas été épargnés par le design imposé par les goûts à la mode dans les années 60.

C'est à cette époque que sont disparus pour de bon les quelques témoins restants du décor égyptien, malgré les manifestations répétées de citoyens qui ont crié haut et fort leur opposition à cette disparition du patrimoine.

Photo: André Pichette, La Presse et Organisation du cinéma NDG

Et maintenant, on fait quoi?

C'est la fin de la visite guidée. Nous voilà de nouveau à l'extérieur du vieil Empress, aujourd'hui infesté de rats et occupé par quelques squatteurs, loin de la gloire qui l'a longtemps caractérisé.

Mais le glamour de l'édifice et sa vocation culturelle devrait revenir incessamment, promettent les gens derrière le Cinéma NDG.

En octobre dernier, l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce a accordé une année supplémentaire pour rassembler les 12 millions de dollars requis pour lancer les chantiers.

À ce jour, il resterait un manque à gagner de 3 millions, explique Elaine Ethier. Si le montage financier aboutit à temps, la Ville (qui est propriétaire de l'édifice) s'est engagée à donner l'Empress à l'organisme à but non lucratif.

Photo: André Pichette, La Presse et Organisation du cinéma NDG