Inspiré d'une histoire vraie, Philomena raconte le drame d'une femme qui, pendant 50 ans, a tenté de retrouver un fils qu'elle avait dû céder à l'adoption malgré elle. Cette histoire tragique est pourtant teintée d'humour...

Quand on lui fait remarquer que l'histoire à laquelle il fait écho dans Philomena aurait très bien pu se dérouler au Québec, le cinéaste britannique Stephen Frears s'étonne un peu. Et il vous invite alors à raconter. La Grande Noirceur. La mainmise du clergé sur tous les secteurs de la société. Ces jeunes femmes célibataires tombées enceintes qui, après avoir accouché dans le «péché», ont dû «donner» leur enfant à l'adoption. En souffrant le plus possible pour «expier». Les années de silence. Puis, le phénomène des retrouvailles si jamais l'enfant entreprend des démarches pour retrouver sa mère biologique. Pendant tout le récit, le cinéaste écoute le journaliste, un peu médusé.

«Mais c'est exactement la même chose que dans mon film! dit-il. On était très catholique au Québec à l'époque, n'est-ce pas? Comme en Irlande?»

Lancé à la Mostra de Venise, où il fut gratifié du prix du meilleur scénario, Philomena est inspiré d'une histoire vraie, relatée dans un livre par le journaliste Martin Sixsmith. Ce dernier était autrefois correspondant à l'étranger de la BBC avant de travailler au service des communications du gouvernement Blair.

Campé dans les années 2000, le film relate l'histoire d'une Irlandaise (Judi Dench) qui, 50 ans plus tôt, est tombée enceinte «hors des liens du mariage». Comme plusieurs jeunes femmes prises dans cette situation «honteuse» à l'époque, elle fut envoyée dans un couvent. Après un accouchement dans la douleur, elle devait effectuer là-bas des travaux en échange d'un accès quotidien à son enfant. Pendant une heure, Philomena pouvait ainsi s'occuper de son bébé. Trois ans après la naissance de son fils, la jeune femme a toutefois eu le malheur d'apprendre que son petit Anthony avait été «vendu» à une famille américaine. Elle n'en aura plus jamais de nouvelles.

Pas de mélodrame

Cinquante ans plus tard, à la faveur d'une rencontre avec le journaliste Martin Sixsmith (Steven Coogan), à qui elle raconte son histoire, Philomena accepte d'aller en Amérique en compagnie du reporter afin de tenter de retrouver son fils.

«Honnêtement, je n'ai jamais senti que cette histoire pourrait verser dans le mélo, même si elle se révèle très touchante, fait remarquer Stephen Frears lors d'un entretien avec La Presse au festival de Toronto. Ça tient à l'écriture. Quand on m'a apporté ce scénario, coécrit par Steven Coogan et Jeff Pope, les touches d'humour étaient déjà là. Il n'y avait pas de dramatisation à outrance. Je crois que le fait que Philomena soit malgré tout animée de profondes convictions religieuses, alors que Martin est complètement athée et révolté par ce scandale, fait en sorte que les choses s'équilibrent. Et puis, Judi Dench était déjà liée au projet au moment où je suis arrivé. Il n'y a dès lors plus beaucoup de questions à se poser. Un film comme celui-là repose entièrement sur la qualité de l'écriture et le jeu des acteurs.»

Comptant dans sa filmographie des films marquants comme Dangerous Liaisons, The Grifters, High Fidelity et The Queen, le cinéaste vétéran raconte être venu au cinéma «par accident».

«Je n'ai jamais voulu faire ça, avoue-t-il. C'était d'abord pour moi une façon de gagner ma vie. Ce n'est qu'une quinzaine d'années après mes débuts, au moment de la sortie de My Beautiful Laundrette, que je me suis consacré plus sérieusement à la réalisation. Au début, on peut toujours se servir de sa «fraîcheur» et de sa «naïveté" comme excuses, mais au bout d'un moment, cela ne tient plus. Force est d'admettre que l'on devient un jour un cinéaste d'expérience. Cela dit, quand on dispose d'une histoire intéressante, bien écrite et bien jouée, on n'a finalement pas beaucoup de mérite. Quand une actrice comme Judi Dench se pointe devant notre lentille, on n'a rien à faire. On reste là, juste à être reconnaissant qu'elle soit là. Et qu'elle accepte de travailler avec nous!»

Une façon de se distinguer

Selon Stephen Frears, le cinéma britannique doit d'ailleurs se distinguer en faisant appel à des acteurs appréciés du public anglais.

«En Grande-Bretagne, le public est comme partout ailleurs sur la planète: il se déplace surtout pour aller voir des films américains. Nous ne sommes plus dans les années 50 où les gens allaient au cinéma de façon systématique. J'aimerais bien que ce soit encore le cas, mais la réalité est tout autre. Aussi faut-il trouver un moyen d'intéresser les gens à nos histoires. Quand tu fais appel à des actrices exceptionnelles comme Judi Dench ou Helen Mirren, il y a de fortes chances que ton film se distingue d'une façon ou d'une autre. Les gens auront envie de sortir de chez eux pour aller les voir.»

Philomena prend l'affiche le 29 novembre en version originale et en version française.