Alors que Los Angeles accueille une nouvelle version du Dernier empereur en 3D, le cinéaste italien Bernardo Bertolucci estime dans un entretien à l'AFP qu'il restera probablement dans le coeur des cinéphiles comme «un découvreur de jeunes actrices».

«Cela m'importe peu», déclare le cinéaste de 73 ans quand on lui demande la postérité à laquelle il aspire. «Mes films existent et les gens peuvent les voir», dit-il à l'AFP dans le cadre du festival AFI Fest à Los Angeles.

«Mais quelquefois, ça m'amuse de penser qu'on se souviendra davantage de moi comme un découvreur de jeunes actrices que comme cinéaste», ajoute-t-il. «J'en ai découvert tellement!».

Il cite pèle-mêle Dominique Sanda, qu'il a dirigée dans Le conformiste (1970); la sulfureuse Maria Schneider du Dernier tango à Paris (1972); Liv Tyler, dont il a révélé au grand public le visage aux traits Renaissance dans Beauté volée (1996); ou Eva Green, qui a fait ses premiers pas devant sa caméra dans The Dreamers (2003), avant de faire carrière aux États-Unis.

Assis dans une chaise roulante, costume noir et borsalino sur la tête, le cinéaste est venu à Hollywood présenter la version 3D du Dernier empereur pour les 25 ans du film, qui remporta neuf Oscars.

Malgré son impressionnante filmographie, le monstre sacré à la carrière internationale n'aime pas revenir sur le passé. «Je ne regarde pas en arrière», dit-il. «Je ne m'intéresse qu'au futur. Je me suis parfois trompé mais tous mes choix ont été sincères».

Il évoque son dernier film, Moi et toi, présenté au Festival de Cannes en 2012 - un drame social sur un adolescent reclus dans une cave - et un projet qui lui tient à coeur, sur le musicien et assassin italien Carlo Gesualdo.



Admiration pour les séries télévisées


«C'est une histoire tragique et fascinante», dit-il. «Mais il est difficile de parler des projets à venir car ils doivent encore prendre forme, dans ma tête et mon coeur. Il faut qu'ils gagnent en maturité. Comme le vin».

Les gestes lents et la voix basse, presque inaudible, Bernardo Bertolucci avoue son admiration pour la nouvelle vague de séries télévisées américaines, notamment Breaking Bad, dont le tout dernier épisode a été diffusé en septembre aux États-Unis.

«Les films, ces derniers temps, ne sont pas très intéressants, alors que les séries télévisées le sont énormément», estime-t-il. Il déplore notamment l'obsession du cinéma pour les montages saccadés, qui n'a pas encore atteint, selon lui, la télévision.

Les séries «ont conservé le rythme que l'on trouvait auparavant au cinéma. Aujourd'hui, tous les films doivent être des films d'action, même s'ils ne le sont pas», assure-t-il. «Dans les séries, on peut encore voir des personnages regarder des choses ou contempler le ciel».

Attaché à la pellicule, il a cependant essayé de passer au numérique pour Moi et toi... avant d'y renoncer. «La définition et la netteté étaient très grandes mais je voulais que le film ait une qualité impressionniste», observe-t-il.

Il n'en reste pas moins conscient des changements technologiques qui bouleversent le cinéma. «Bientôt, on regardera les films sur des paquets de cigarettes ou sur notre montre. Il faudra inventer des histoires capables de s'adapter aux différents formats».

Et de donner une dernière leçon aux apprentis réalisateurs: «Si un jeune me demandait la chose la plus importante à faire pour commencer une carrière de cinéaste, je lui dirais d'être sincère et de suivre son coeur. Il est très important d'être complètement honnête dans ce que l'on fait».