Sorti hier dans les cinémas en Pologne, mais au coeur des discussions depuis des semaines, le film Walesa - L'homme d'espoir, du réalisateur Andrzej Wajda, soulève la controverse. Basé sur des faits réels, il raconte l'ascension de l'ex-président polonais Lech Walesa, au temps où il dirigeait le syndicat Solidarité dans sa lutte contre le régime communiste.

Il faut dire que l'étoile du lauréat du prix Nobel de la paix de 1983 a bien pâli depuis cette époque. Ses détracteurs reprochent au film d'ériger une statue à un homme qu'ils décrivent comme une marionnette, un piètre politicien, voire un traître.

Le réalisateur Andrzej Wajda fait peu de cas de ces critiques. En entrevue à la télévision, il n'a pas caché son admiration pour le héros de son film. «J'ai vu un homme qui engendre la confiance. J'ai fait le film que j'avais envie de faire», a-t-il déclaré.

«Malheureusement, Walesa n'a jamais été un héros», avance Krzysztof Wyszkowski, son ancien conseiller politique devenu l'un de ses critiques les plus féroces. «Le film contient des images d'archives, donc ces éléments sont vrais, mais tout de suite après, on enchaîne avec des mensonges.»

Les deux hommes se sont connus en 1978. C'est à ce moment que l'électricien du chantier naval de Gdansk s'est joint aux activités syndicales clandestines d'une bande d'intellectuels opposés au régime. «Je voyais bien que ce garçon voulait bien faire, mais ne savait pas comment s'exprimer. Il fallait le prendre en charge, alors je l'ai aidé", se remémore M. Wyszkowski.

Un agent du régime?

Bien des années plus tard, les choses ont fini par s'envenimer entre eux. «En 2005, lors d'une entrevue à Radio Maria, on m'a demandé s'il avait ou non été un agent du régime communiste. J'ai répondu qu'il l'avait été, tout en apportant beaucoup de nuances», explique Krzysztof Wyszkowski. Une poursuite en diffamation déposée par Lech Walesa n'est toujours pas réglée.

Ces allégations selon lesquelles le chef de Solidarité aurait fourni des renseignements aux services secrets communistes sont bien connues en Pologne. Elles sont même au coeur du discours populiste de la droite catholique et nationaliste, selon Jacek Kucharczyk, analyste politique à l'Institut des affaires publiques (ISP) de Varsovie. «Les principales critiques à l'endroit de Walesa sont liées à la transformation et à l'état actuel de la démocratie en Pologne, à savoir qu'elle est trop corrompue et pas assez religieuse. Les détracteurs de l'ancien président croient que le problème provient de la façon dont cette transformation s'est déroulée. Selon eux, Walesa est responsable de tout ce qui va prétendument mal dans ce pays.»

Paranoïa?

Selon M. Kucharczyk, cette rhétorique repose sur la conviction qu'avec l'aide de Lech Walesa, les communistes ont infiltré le système établi après la chute du régime soviétique et qu'ils continuent à le miner de l'intérieur. «C'est un cas classique de théorie du complot, de la paranoïa.»

Une scène du film évoque tout de même un épisode épineux du passé de Lech Walesa: arrêté lors d'une manifestation en 1970, on le voit, pris de panique, signer une déclaration en échange de sa libération.

Le principal intéressé ne nie pas avoir fait ce geste, mais il reste vague sur ses circonstances exactes. «Madame, vous aussi auriez signé les papiers du service de sécurité dans ces temps-là», a-t-il répondu à la journaliste Monika Olejnik, qui l'a reçu le mois dernier sur le plateau de son émission.

L'ancien président affirme n'avoir jamais été un agent communiste et un tribunal spécial lui a donné raison en 2000. Cela n'empêche pas la question de refaire surface régulièrement. Des livres compromettants ont même été publiés sur le sujet récemment, avec des documents d'archives à l'appui.

Mais pour l'historien et éditeur Piotr Jeglinski, la plus grande erreur de Lech Walesa reste d'être devenu président en 1990. «On connaît pourtant des gens simples qui ont pris le pouvoir, mais il a été dépassé par tout ça. Il avait le soutien de la population, mais il a trop parlé. Il a fait des promesses qu'il n'a pas su tenir.»

L'historien concède bien à Lech Walesa un certain mérite. «On ne peut pas nier qu'il est le symbole du changement, malgré son passé ambigu, dit-il. On ne sait pas si un autre aurait fait mieux.»

Lech Walesa est né en à Popowo, en Pologne, en 1943. Il devient électricien et est embauché au chantier naval de Gdansk en 1967. En 1970, il participe activement à une grève violemment réprimée par les autorités. En 1980, il prend la tête d'une nouvelle grève, qui culminera par la création du syndicat Solidarité. C'est le début d'un grand mouvement de contestation qui finira par renverser la dictature communiste. En 1983, Lech Walesa reçoit le prix Nobel de la paix. À la fin des années 80, il participe aux négociations de la Table ronde, qui aboutiront aux premières élections libres en 1989 et à l'introduction de l'économie de marché. Élu président en 1990, il est défait en 1995.