Avec Jeune et jolie, le Français François Ozon réussit le tour de force de raconter sans voyeurisme malsain et avec délicatesse l'histoire d'une adolescente de 17 ans pour qui la prostitution est une expérience.

Jeune et Jolie décrypte en quatre saisons et quatre chansons interprétées par Françoise Hardy le personnage complexe d'Isabelle, incarnée par la sublime Marine Vacth, une des révélations lors du dernier Festival de Cannes, dont c'est le premier grand rôle au cinéma.

Adolescente mélancolique et indifférente, la jeune fille se prostitue comme on se perd dans la drogue ou l'alcool, dans ce qui pourrait être une nouvelle version du film de Bunuel Belle de jour (1967).

Devant la caméra subtile d'Ozon, Isabelle devient Léa, son pseudonyme pour ses clients, des hommes mûrs qu'elle contacte via internet.

«Dans tous les films français et autres, j'ai l'impression que l'adolescence est idéalisée, sublimée alors que moi je garde un souvenir douloureux de ma propre adolescence», avait expliqué en mai à cannes François Ozon, dont le film avait été bien accueilli sur la Croisette mais était reparti bredouille.

«L'idée était de faire un portrait d'une jeune fille d'aujourd'hui ancrée dans une certaine réalité mais ne pas donner toutes les réponses, partager le mystère (d'Isabelle) avec les spectateurs», poursuivait-il.

Le cinéaste filme les scènes de sexe avec distance, évitant les images sordides et la provocation même si les actes sont là.

«Le spectateur est intelligent. Je n'ai pas à donner toutes les clés, à surligner les choses», soulignait encore le réalisateur de Dans ma maison, Potiche ou 8 femmes.

Ozon évacue rapidement dans le film la question qui brûle les lèvres: fait-elle cela pour l'argent, comme les étudiantes qui se prostituent pour payer la fac ? Non bien sûr, trop simple.

Notes d'humour

Marine Vacth, ancien mannequin devenue actrice, raconte avoir «beaucoup discuté avec François Ozon en amont du rôle».

«Cela s'est fait assez simplement. Isabelle ne s'explique pas, ne s'excuse pas. Elle vit ce qu'elle sent devoir vivre à ce moment-là», déclarait la jeune actrice, intimidée par les très nombreux journalistes présents en conférence de presse.

Tout juste a-t-elle encore expliqué qu'elle était «très » du personnage de Isabelle/Léa mais qu'elle avait«de l'empathie pour elle, envie de l'accompagner, la comprendre».

Pour Ozon, «l'adolescence est une période de désillusion, l'amour n'est pas ce qu'on espérait, les choses se fissurent».

Le film «raconte de la manière la plus cruelle qui soit ce que tous les parents vivent au moment où les enfants leur échappent, deviennent des étrangers», déclarait à la presse l'actrice Géraldine Pailhas, qui interprète la mère d'Isabelle.

Pour Frédéric Pierrot (le beau-père), il ne s'agit pas d'être dans un discours moralisateur. «L'urgence est d'accepter qu'il y a une rupture, que quelque chose s'est passé, accepter autant que faire se peut la nouvelle donne... et la vie continue», affirmait-il.

Le cinéaste expliquait aussi qu'il n'a «pas voulu dénoncer les dangers d'internet même si c'est une réalité. Internet permet un accès facile à des relations tarifées. Mais quand j'étais ado il y avait le Minitel !»

Le film, grave, est parsemé de notes d'humour. Des «moments de décompression dans l'histoire», selon Ozon, et des occasions pour Isabelle de «renvoyer chaque personnage à ses hypocrisies».

L'un de ces moments savoureux se passe chez le psy: provocante, l'adolescente lui demande si elle peut le payer avec l'argent de ses passes.