La dernière version britannique du roman Anna Karénine de Léon Tolstoï a déchaîné les critiques en Russie, où certains ont jugé le film superficiel et insultant envers ce monument de la littérature russe.

Cette nouvelle adaptation du livre, du metteur en scène britannique Joe Wright, sortie en salles le 10 janvier en Russie, a attiré la première semaine plus de 147 000 spectateurs, se plaçant en quatrième place du box-office, selon le magazine Variety Russia.

Une telle affluence était attendue tant le roman et l'auteur sont importants en Russie, pays où les écoliers sont tenus de lire dans son intégralité l'autre ouvrage majeur de Tolstoï, Guerre et Paix.

Même ceux qui ont sauté la lecture d'Anna Karénine connaissent au moins son adaptation soviétique, sortie en 1967, avec la brune aux longs cils Tatiana Samoïlova dans le rôle principal.

Mais l'accueil réservé au film s'est révélé souvent glacial.

«Deux heures d'absurdités», a écrit un internaute sur le site du journal Kommersant. «Si on le regarde comme une comédie, alors c'est pas mal», a-t-il ajouté.

En tête des récriminations, le parti pris de placer toute l'action sur une scène de théâtre.

«Dès les premières minutes, la lourdeur de la mise en scène d'Anna Karénine décourage», a asséné sur le site du magazine culturel Aficha un internaute signant Boris Nelepo.

«Les décors écrasent Anna Karénine», a aussi estimé dans sa critique Kommersant, soulignant que ce mélange de film et de spectacle empêchait d'«être touché au coeur».

Le script du film a été écrit par Tom Stoppard, un connaisseur de la Russie, qui est l'auteur d'une trilogie sur les penseurs russes.

«Il faut vraiment que la Russie se trouve dans un état de démence totale pour acheter et montrer ce film», a tonné l'écrivain et poète reconnu Dmitri Bykov sur le site culturel Openspace.ru

Il a accusé les réalisateurs d'avoir tourné en «dérision» le roman, et proposé de «passer une loi anti-Wright, imposant un embargo de la Douma sur tous les prochains films de Keira Knightley». Une touche ironique faisant référence à la récente loi russe controversée interdisant les adoptions d'enfants russes par des Américains, qui a soulevé les passions ces dernières semaines.

Pour de nombreux Russes, la frêle Keira Knightley ne correspond pas à l'image d'Anna Karenine, interprétée dans le passé par Greta Garbo, Vivien Leigh ou encore Sophie Marceau.

«L'Anna Karénine anglaise est trop décharnée», a jugé le quotidien Troud.

«Keira Kneightley dans le rôle de Karénine? Elle aurait pu aussi jouer le rôle de Marylin Monroe, sans fard, avec à peu près le même succès... L'idée portée par le côté pulpeux de Karénine était qu'elle aimait la vie et les plaisirs et qu'en plus elle était mère», a souligné un internaute sur le site de la radio Echo de Moscou.

Le journal Novaïa Gazeta a aussi critiqué le jeu d'Aaron Taylor Johnson, interprète de l'amant d'Anna Karénine, le viril comte Vronski, le qualifiant de «parodie».

Il a toutefois salué l'approche innovante du film, jugeant qu'elle libérait du «pathétique et du sérieux académique».

D'autres apprécient que le film ait évité certains clichés sur la Russie.

«Si vous avez peur d'une nouvelle adaptation à l'écran d'un classique russe avec les inévitables jupons-vodka-balalaïka, affrontez votre crainte avec courage, comme Anna s'est jetée sous un train», a ainsi conseillé Maria Kouvchinova dans Aficha.