Le prolifique réalisateur britannique Michael Winterbottom (A Mighty Heart, The Trip) adapte pour la troisième fois une œuvre d’un de ses écrivains favoris, Thomas Hardy. Il présente le destin dur et désespéré de la belle Trishna, interprétée avec délicatesse par l’actrice d’origine indienne Freida Pinto. « Ce n’est pas une belle histoire avec une fin heureuse », prévient-il.

Michael Winterbottom avait déjà adapté à l’écran Jude the Obscure, autre roman de Hardy, en 1996. Le film, simplement intitulé Jude, était campé à l’époque où le livre a été écrit, la fin du XIXe siècle, en Angleterre. Il s’agissait d’une adaptation traditionnelle, la plus fidèle possible au récit original.

« J’aime comment Hardy décrit son époque, explique le cinéaste, mais, pour Trishna, j’ai choisi d’adapter le récit dans l’Inde d’aujourd’hui parce que je trace des parallèles entre le contexte du roman de Hardy et celui de la société indienne – précisément, la façon dont la société, avec ses codes stricts et ses mœurs, vient façonner de manière directe la vie des personnages. Le roman original avait pour contexte l’industrialisation de l’Angleterre, qui occasionnait de brusques transformations. À mes yeux, des transformations similaires se passent aujourd’hui en Inde. »

Winterbottom connaissait déjà l’Inde, car il a visité le Rajasthan pour le tournage d’un autre projet, Code 46 (2003). « Je connaissais un peu la vie là-bas, dit-il. Ainsi, j’ai essayé d’y retrouver le même contexte et le même état d’esprit que dans l’Angleterre de l’époque décrite dans le récit original. »

Vie bouleversée


Basé sur le roman Tess of the d’Ubervilles de Hardy – qui a fait l’objet d’une adaptation d’époque par Roman Polanski en 1979 –, le film raconte le triste sort de la belle Trishna, jeune femme de la campagne indienne dont l’existence est bouleversée par sa rencontre avec un touriste britannique aux racines indiennes. Tombé sous le charme de Trishna, le touriste la recommande à son cousin Jay, gérant d’hôtel qui lui trouvera du travail.

Jay, qui s’occupe des affaires de son riche papa établi à Londres, ne restera pas insensible à la beauté de Trishna, qui a quitté le nid familial pour la grande ville et un salaire décent. Le gérant deviendra peu à peu son bourreau. Mais Trishna, « femme pure et naïve », finira par succomber aux avances du riche jeune homme.

Freida Pinto était le choix idéal pour tenir le rôle principal parce que, « dans le récit original, Tess est une belle femme et que ça a une incidence sur son sort », note Winterbottom, et aussi parce que l’adaptation est campée en Inde.

« En fait, il n’y a même pas eu de casting pour le film, reconnaît le réalisateur. Il fallait que ce soit elle. Et heureusement, Freida était absolument emballée par le scénario et la perspective de jouer un tel type de personnage. »

Récit délicat

Or, il s’agit d’un récit délicat sur plusieurs plans. D’abord parce qu’il peut être perçu comme une critique de certains aspects de la société indienne moderne ; ensuite, parce qu’il relève du cauchemar féministe puisque Trishna ne semble jamais pouvoir échapper à son sort.

« On ne réalise pas des films pour faire plaisir aux autres ou en se souciant de ce qu’ils pourraient bien en penser, relativise le cinéaste. Il faut faire des films le plus honnêtement possible, sans essayer de ménager les sensibilités. D’ailleurs, j’ai consulté des gens en Inde pour adapter le plus fidèlement possible à la réalité indienne certaines scènes décrites dans le roman. »

« Et puis, il ne faut pas prendre cette histoire comme une critique de la société indienne, poursuit-il. Il ne faut pas généraliser : c’est le récit de Tess–Trishna, un personnage féminin, c’est tout. Dans le film, j’ai pris soin de montrer d’autres personnages féminins qui, eux, ont une tout autre attitude que Trishna, des femmes beaucoup plus indépendantes d’esprit, plus ambitieuses, fonceuses et déterminées. Ce qui arrive à Trishna est terrible, mais il ne faut pas y voir une critique du sort des femmes en Inde. »