Adapter un livre relève toujours de la gageure et le réalisateur Claude Berri n'a pas choisi la facilité avec Ensemble c'est tout (vendredi sur les écrans québécois), un des grands succès de l'édition française de ces dernières années.

Fidèle au roman d'Anna Gavalda qui lui a donné toute latitude pour transposer ses personnages au cinéma, le réalisateur chevronné propose une adaptation réussie permettant, tout comme le roman, de passer un bon moment avec des personnages attachants et une philosophie de vie simple mais pas simpliste.

À Paris, une jeune femme, Camille (Audrey Tautou), gagne sa vie comme femme de ménage en nettoyant les bureaux. Logée dans une chambre de bonne d'un bel immeuble parisien, elle vit en solitaire, entretient des rapports houleux avec sa mère et flirte avec l'anorexie. Son plaisir: dessiner les gens qu'elle croise.

Un soir, elle fait la connaissance de son voisin, le jeune aristocrate bègue Philibert (Laurent Stocker). Timide et naïf, Philibert, passionné d'histoire au physique et au style vestimentaire désuets, occupe l'immense appartement de sa grand-mère en attendant la fin de la succession.

Il partage les lieux avec Franck (Guillaume Canet), cuisinier de talent un peu irascible qui travaille comme un fou, consacre le peu de son temps libre à sa grand-mère Paulette (Françoise Bertin) et décompresse avec un petit pétard et musique plein pot.
Un soir, Camille invite Philibert à «pique-niquer» dans sa minuscule chambre de bonne, marquant le début de leur amitié. Face au dénuement de Camille, Philibert la pousse à s'installer chez lui, ce que Franck voit d'un très mauvais oeil. Les esclandres se multiplient avant que Camille et Franck dévoilent peu à peu leurs blessures et leurs faiblesses. Dans un bon jour, Franck présente Camille à sa grand-mère. Après une fracture du col de fémur provoquée par une chute, elle a été contrainte d'entrer dans une maison de retraite. C'est le début d'un quatuor de colocataires improbable...

Réalisé dans des conditions très particulières, le tournage d'Ensemble c'est tout est à l'image de l'histoire qu'il raconte: la solidarité entre personnes qui s'apprécient et qui veulent faire un bout de chemin ensemble. Claude Berri ayant été victime d'un accident cérébral suivi d'une dépression, il a fait appel à son confrère et ami François Dupeyron (Drôle d'endroit pour une rencontre) pour réaliser le long métrage dont il avait achevé l'adaptation.

«Tout était préparé mais je n'avais peut-être pas la force de faire le film tout seul», explique Claude Berri qui a déjà adapté Germinal d'Emile Zola et «Jean de Florette» et «Manon des Sources» de Marcel Pagnol.

Bien qu'éloigné à première vue de ses films autobiographiques, Ensemble c'est tout ressemble malgré tout à Claude Berri qui reconnaît «une certaine imprégnation de (sa) dépression dans le film»... «L'histoire me touchait mais pas comme dans mes films personnels ou autobiographiques.»

Et ce coup de foudre pour l'histoire se ressent à l'écran avec une vraie tendresse pour les héros un peu bancals, servis par des dialogues qui font mouche («tu lui as aussi fait le coup du cochon à l'autre» fille, lance Camille à Franck qui l'a emmenée assister à l'abattage et à la préparation du cochon à la campagne pour qu'elle s'adonne à sa passion, le dessin) des scènes pleines de poésie et de tendresse (le panier à pique-nique de Philibert, Camille qui dessine la grand-mère de Franck nue).

Sans cesse sur le fil du rasoir, les personnages du roman, qui bénéficiaient de 600 pages pour séduire le lecteur, ont trouvé une belle incarnation cinématographique avec Audrey Tautou et sa silhouette gracile, qui a remplacé Charlotte Gainsbourg au pied levé, mais aussi Françoise Bertin, Guillaume Canet. Et une mention particulière au formidable Laurent Stocker, sociétaire de la Comédie française, vraie révélation du film.

Amateur ou non de l'univers d'Anna Gavalda, le charme de l'adaptation de Claude Berri offre un beau moment de cinéma sans noirceur inutile, délivrant un message tout simple: face aux difficultés de la vie, grâce à l'amour et l'amitié, chacun peut se choisir une famille.

«On voulait raconter une histoire qui met du baume au coeur», résume Audrey Tautou. Mission accomplie...