Libéraux et adéquistes ne s'entendent pas sur la pertinence de forcer les majors américains du cinéma à doubler leurs films au Québec.

L'opposition officielle veut une loi qui forcerait les grands producteurs et distributeurs étrangers à doubler leurs films en français au Québec, mais le gouvernement libéral résiste, persuadé que des mesures incitatives seront plus efficaces.

La ministre de la Culture, Christine Saint-Pierre, a donc rejeté de la main, une fois de plus, mercredi, l'idée de légiférer en ce sens.

Cependant, elle nommera dans les prochains jours un mandataire chargé d'étendre le marché québécois du doublage aux DVD, documentaires et téléséries.

«Je ne pense pas qu'il y ait péril en la demeure», a dit la ministre en point de presse.

L'Action démocratique de Mario Dumont a accentué la pression sur le gouvernement, en matinée, en déposant le projet de loi 193, qui ferait en sorte que tous les films en langue étrangère et vus sur les écrans du Québec seraient doublés en français du Québec et non, comme c'est souvent le cas, en argot français.

En vertu des règles en vigueur, il y a cependant bien peu de chances que le projet de loi soit adopté, vu qu'il a été déposé par l'opposition.

Depuis 2003, la position du gouvernement Charest, comme c'était le cas avec le gouvernement péquiste antérieurement, consiste à éviter de légiférer dans ce dossier pour privilégier une approche de persuasion, en vue de ne pas braquer les grands producteurs américains.

Déjà, on estime que 72 pour cent des films diffusés en salle au Québec en 2006 ont été doublés au Québec.

Cependant, l'industrie du doublage de même que l'Union des artistes (UDA) ont sonné l'alarme en s'inquiétant du fait que le Québec est en perte de vitesse, compte tenu qu'en 2004 la proportion de films doublés au Québec atteignait 78 pour cent.

Il peut en coûter entre 70 000 $ et 75 000 $ pour doubler un film en français au Québec.

Selon le gouvernement, le doublage obligatoire au Québec pourrait éloigner de petits distributeurs qui jugeraient le coût trop élevé, et ainsi diminuer la diversité de films offerts aux cinéphiles.

Depuis qu'il est dans l'opposition, le Parti québécois a changé son fusil d'épaule et croit lui aussi que le doublage des films en français du Québec devrait être imposé par une loi.

Le porte-parole de l'opposition péquiste en culture et ex-président de l'Union des artistes, Pierre Curzi, justifie ce changement de cap par le fait que la situation a évolué depuis.

L'adoption de la convention sur la diversité culturelle, même si elle est boudée par les États-Unis, crée «un cadre juridique qui change la donne», a-t-il dit, en entrevue.

Si on ne légifère pas, il craint que «tout ce qui n'est pas un gros «blockbuster» risque d'être offert uniquement en anglais, et ça, ça n'a pas de bon sens, ce n'est pas tolérable».

Selon le chef de l'opposition officielle, le Québec devrait prendre exemple sur la France.

«Si le Québec créait le même genre d'obligation, au bout d'une couple d'années, plus personne ne parlerait de ça, ce serait un automatisme, puis, ce serait un réflexe ancré», a fait valoir Mario Dumont, en conférence de presse.

Selon lui, le Québec, malgré son marché beaucoup moins important, n'a rien à envier à la France et peut imposer sa loi aux grands du cinéma hollywoodien.

«Il faut éviter de se voir trop petits», a-t-il dit.