Hollywood s'apprête à déverser dans les salles obscures un nombre sans précédent de films sur fond de guerre contre le terrorisme, influence directe de l'impopularité grandissante des conflits impliquant l'armée américaine au Moyen-Orient.

Alors que les hostilités nées des attentats du 11 septembre vont entrer dans leur septième année, le film In the valley of Elah, l'histoire du meurtre d'un Américain revenu d'Irak, sort en septembre.

Signé Paul Haggis, qui a remporté deux Oscars en 2006 pour Crash, il préfigure ce qui semble voué à devenir un genre à part entière à Hollywood, où plusieurs films sur le 11 septembre sont sortis l'année dernière, notamment World Trade Center et United 93.

Le désarroi né de la guerre constitue également le thème central de Grace is Gone, très bien reçu au dernier Festival de Sundance. Il raconte l'histoire d'un Américain (joué par John Cusack) dont la femme soldate est tuée en Irak.

«Je pense que les gens seront intéressés de voir l'histoire du prix humain de cette guerre», a dit Cusack, qui a voulu tourner ce film en réaction à la censure par le Pentagone de photos montrant des cercueils de soldats arrivant d'Irak.

De grands noms du cinéma sont de la partie: sur un scénario politique et militaire après le 11 septembre, Lions for Lambs, de et avec Robert Redford, emploie aussi Tom Cruise et Meryl Streep. Une autre star, l'actrice oscarisée Reese Whiterspoon, va jouer dans Rendition la femme d'un chimiste d'origine égyptienne, enlevé et détenu au secret par la CIA.

Cette série, à laquelle il faut encore ajouter The Kingdom avec Jamie Foxx et Redacted de Brian de Palma, se poursuivra en 2008 avec Stop Loss, l'histoire d'un ancien combattant qui refuse de retourner en Irak, et The Hurt Locker film de guerre tourné en Jordanie et au Koweït.

Pour Darrell West, expert en sciences politiques à l'Université de Brown, cette avalanche de films, et leur ton généralement très critique vis-à-vis de la guerre, reflète l'impopularité actuelle du conflit aux États-Unis.

«Hollywood peut tourner de tels films sans craindre un retour de bâton. Il y a toujours le risque de voir les spectateurs bouder lorsque l'on tourne un film anti-guerre au milieu d'un conflit», explique-t-il à l'AFP: mais alors que les deux tiers des Américains pensent que déclencher la guerre en Irak était une erreur, c'est le moment idéal pour sortir ce genre de films.

Mark Boal, auteur du scénario de The Hurt Locker, qui mettra en scène une unité de démineurs de l'armée américaine à Bagdad, estime qu'un film peut évoquer un aspect de la guerre qui n'est pas abordé par les médias généralistes.

«Nous voulions montrer le genre de choses que vivent les soldats et qu'on ne voit pas sur CNN», a-t-il dit au quotidien spécialisé Hollywood Reporter.

La guerre du Vietnam a inspiré aux scénaristes des chefs-d'oeuvre comme Apocalypse Now, Voyage au bout de l'enfer et Platoon, mais ils ne sont sortis qu'après la fin des hostilités. «C'est vraiment stimulant pour moi, venant du journalisme, de voir un film sortir alors qu'un conflit est en cours», a affirmé M. Boal.

«Hollywood est bien plus politisé aujourd'hui, et a moins peur de donner de la voix», affirme pour sa part Lew Harris, rédacteur en chef du site spécialisé Movies.com. En outre, selon lui, il y a bien plus de gens en colère contre la guerre à l'heure actuelle parce que beaucoup sont contre mais elle continue.

Reste que le succès de ces futurs films résidera comme toujours dans leur capacité à séduire et donc distraire le public. «Si c'est un film où les spectateurs sont assommés de messages politiques, ils n'iront pas le voir», prévient M. Harris.