Oubliez les dépucelages sauvages (À ma soeur!, Sex is Comedy) ou les généreux attributs de Rocco Siffredi (Romance). Dans Une vieille maîtresse, Catherine Breillat signe un premier film d'époque, adapté d'un roman du diabolique Jules Barbey d'Aurevilly.

La vieille maîtresse de Catherine Breillat n'a rien d'une toquade. «Je voulais l'adapter depuis longtemps», déclare-t-elle au téléphone. La réalisatrice française, qui a toujours signé les scénarios de ses films, a trouvé dans Une vieille maîtresse, un roman paru en 1851, de quoi satisfaire son goût pour le romanesque.

«Je suis ultra-romantique, avance Catherine Breillat. Moi, je suis plutôt dans la confrontation de deux personnages, et j'avais envie de faire quelque chose de plus romanesque. Barbey d'Aurevilly disait lui-même qu'il avait voulu faire un grand roman romanesque, à vocation populaire.»

Chez Breillat, les sentiments côtoient la passion physique. Dans le Paris de 1835, Ryno de Marigny (Fu'ad Aït Aattou), séducteur dandy, épouse la jeune, belle, et noble Hermangarde (Roxane Mesquida). Ryno est déchiré, entre son amour pour sa jeune épouse, et son désir, encore incandescent, pour sa «vieille» maîtresse, la sensuelle Vellini (Asia Argento).

À l'exception de la cérémonie de mariage de Ryno et Hermagarde et de quelques scènes plus explicites, Catherine Breillat a respecté presque à la lettre le roman de Barbey d'Aurevilly. Pourtant, Une vieille maîtresse porte vraiment la signature de la réalisatrice. «C'est vraiment un film de moi : probablement parce que j'adore le dandysme, et le dernier cri de l'aristocratie, la montée de la bourgeoisie, avec son côté extrêmement pudibond», estime-t-elle.

En 1835, Choderlos de Laclos (Les liaisons dangereuses) est mort depuis quelques années, déjà, et avec lui, toute une société aristocrate et libertine. Dans la fragile monarchie de Juillet s'épanouit toute une bourgeoisie «collet monté». La provocante Vellini, courtisane déclassée, fait scandale, pour le plaisir de Breillat.

«Dans Barbey d'Aurevilly, on dit qu'elle s'habille comme personne. Que personne n'a jamais été habillée comme elle, elle est sauvage, sensuelle. On sent bien que c'est une courtisane, une femme de mauvaise vie, une moricaude», raconte Catherine Breillat.

La comédienne et DJ Asia Argento incarne la femme fatale, Vellini. «Je pensais qu'il fallait quelqu'un d'assez rock'n'roll, de sensuel, de rebelle, qui à notre époque est identifié comme beau, mais qui à l'époque est identifié comme laid», explique Catherine Breillat.

Face à la brune Argento, la blonde Roxane Mesquida (À ma soeur!, Sex is comedy) - «une beauté classique parfaite, extrêmement froide et en même temps pas expressive dans son mutisme et son orgueil» - et le jeune, et parfaitement inconnu, Fu'Ad Ait Aatou. «Comme Ryno, il passe du côté féminin au côté masculin. Vellini est femme, et homme. Cette androgynie perpétuelle m'intéresse beaucoup », dit Catherine Breillat.

Asia Argento incarne la femme fatale selon Catherine Breillat. «Elle est l'éternelle femme fatale», juge-t-elle. Dans l'imaginaire de la réalisatrice, Vellini doit beaucoup aux peintures de Delacroix, de Goya, mais aussi de la plus «belle des Espagnoles», la blonde et germanique Dietrich, période La femme et le pantin.

Catherine Breillat évoque le soin minutieux mis dans le choix des costumes, tous d'époque, et aussi des décors. L'action «parisienne» du film a été tournée en grande partie dans le bâtiment des Archives Nationales. L'action «normande» elle, a été filmée sur l'Île de Bréhat.

Si le film, présenté à Cannes, a reçu un accueil mitigé dans la critique française, Catherine Breillat parle avec emphase d'une expérience à l'évidence atypique dans sa filmographie. «Cela ressemble beaucoup aux Liaisons dangereuses, cette histoire de Barbey d'Aurevilly. Je dirais que tout le monde est pur dans la passion, c'est simplement la vie qui est la marquise de Merteuil. Il n'y a pas d'hypocrisie, il y a juste la tragédie de la vie, en fait», conclut-elle.

Une vieille maîtresse est présentement à l'affiche