Avec Roman de gare, présenté en première hier soir au FFM, Claude Lelouch signe un thriller à sa façon. Le crime parfait y côtoie l'histoire d'amour; la grande Fanny Ardant s'y retrouve, ainsi qu'une jeune inconnue, Audrey Dana, le tout, sur fond de Gilbert Bécaud. «C'est un mélange de genres. C'est ce qui fait mon style, et c'est ce qui fait qu'on l'aime ou pas», revendique Claude Lelouch.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le style Lelouch n'a pas fait l'unanimité ces dernières années. C'est d'ailleurs pour tester le sens critique de la critique que Claude Lelouch a caché pendant plusieurs mois qu'il était le réalisateur de Roman de gare, signé alors du nom de son professeur de tennis, Hervé Picard.

«On a fait trois ou quatre projections sans le générique. C'était amusant, les gens étaient persuadés qu'ils venaient de voir un film d'Hervé Picard. J'ai eu beaucoup de compliments», raconte Claude Lelouch. La supercherie n'a pas duré longtemps: peu avant la projection hors compétition à Cannes, Lelouch a reconnu la paternité de Roman de gare.

En écho à Romain Gary, qui a aussi écrit sous le pseudonyme d'Émile Ajar, Roman de gare est un film sur la supercherie. Quai des Orfèvres, Judith Ralitzer (en écho à Paul-Loup Sulitzer), une auteure à succès jouée par Fanny Ardant, doit expliquer à la police la mort de deux hommes qu'elle a bien connus: son mari et son secrétaire.

Un flash-back plus loin, on se retrouve sur la route en compagnie d'un homme joué par Christophe Pilon. Qui est-il? Un magicien? Un tueur en cavale? Un professeur de lettres en fuite? Un écrivain en herbe? Dans une halte d'autoroute, il croise Huguette (Audrey Dana), plantée là par son fiancé. Elle ne le connaît pas, mais elle monte en voiture avec lui.

Claude Lelouch a-t-il fait un polar? Un peu. Mais, précise-t-il, Roman de gare est «avant tout un film de divertissement, derrière lequel se cache ce que l'on a envie d'y trouver. C'est fait pour le bonheur du spectateur, tout est fait pour le faire rêver.» Le réalisateur d'Un homme et une femme nous parlera bien sûr de séduction et d'amour.

«C'est un film sur le délit de sale gueule», dit le réalisateur, qui, à 70 ans, se montre intarissable sur le sujet. «On est dans un monde des apparences. Quand on a un physique agréable, on a des atouts dans la vie et dans la séduction. Mais la séduction, c'est amusant la première nuit. Après, cela s'use très vite.»

Pour Claude Lelouch, la séduction est une supercherie. «Quand on est en séduction, on essaie de vendre le meilleur. On devient des marchands de tapis», explique le réalisateur d'Hommes, femmes, mode d'emploi. «Il faut avoir une idée qui soit grande pour vivre quelque chose. Sinon, c'est une récré. Mais je n'ai rien contre les récrés: j'en ai eu plein.»

Après 50 années de carrière, Claude Lelouch ne semble se lasser ni du cinéma, ni de la promotion qui l'accompagne. Volubile, il discute de ses sujets favoris: l'amour et la vie, les films et le cinéma. «Je me suis plus enrichi de mes échecs que de mes succès. Le succès, ça rend con», lâche-t-il.

Claude Lelouch n'éprouve aucune nostalgie pour les années 60 et la pellicule. Ses deux derniers films, Le courage d'aimer et Roman de gare, ont été tournés en HD, pour son plus grand bonheur. «Toute ma vie, j'ai souffert du prix de la pellicule. Il fallait chauffer les comédiens pour qu'ils soient prêts dès qu'on dit: moteur!», se souvient celui qui a tourné avec des caméras «qui pesaient des tonnes».

La technique change, mais la méthode Lelouch reste la même. Il s'inspire toujours de ce qui se passe autour de lui: «La vie, c'est mon fond de commerce.» Il travaille actuellement à deux nouveaux scénarios et reçoit des offres de studios américains qui souhaitent faire un remake de Roman de gare. Roublard, il refuse: «Je ne les laisserai pas saboter ça.»