On l'imagine épuisée à cause des six heures d'avion qui la séparent de la France. Après tout, l'entretien a lieu au lendemain de son arrivée à Montréal et du lancement du FFM, qu'elle a fièrement déclaré ouvert.

Douze heures plus tard, dans sa chambre d'hôtel, l'actrice de 40 ans doit parfois mettre de l'ordre dans ses idées, mais elle répond longuement aux questions, avec le sourire. On ne la prendra pas à parler en mal du FFM. L'actrice en conserve de beaux souvenirs. En 2002, son premier film en tant que réalisatrice, Parlez-moi d'amour, y a été récompensé. «Ce prix, c'était génial, lance-t-elle. Je n'ai pu à l'époque le récupérer. Je m'étais donc promis de revenir.»

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La belle mentionnait dans nos pages, hier, qu'elle n'avait pas l'habitude de recevoir des prix. Reste que les récompenses semblent toujours arriver au moment opportun: «À tous mes débuts de carrière», remarque la lauréate d'un César (pour la Boum 2, en 1982).

Sophie Marceau peut maintenant ajouter l'hommage que lui rend le FFM cette année. Elle revient à Montréal avec un autre long métrage sous le bras, son deuxième en tant que réalisatrice. Il sera projeté ce soir au cinéma Impérial et demain au cinéma Quartier latin. Il met en scène son amoureux, Christophe Lambert.

Dans La disparue de Deauville, Lambert incarne un policier désespérément affecté par le décès de sa femme. Qu'importe! Il se jette corps et âme dans une enquête qui l'amène à déterrer des secrets de famille dans un hôtel de la grise Normandie. Le père du propriétaire de l'établissement a disparu. Est-il mort? Pourquoi conservait-il les effets personnels d'un amour de jeunesse dans une des chambres? «J'ai découvert l'hôtel de mon film alors que je jouais dans une autre production, dit Sophie Marceau. C'est cinématographique, un hôtel. C'est inspirant pour les histoires, aussi. Qu'est-ce qui se passe derrière les portes? Il y a de tout, des meurtres, des histoires familiales, forcément.»

Dans ce polar, Sophie Marceau incarne une actrice, une femme fatale adulée dans les années 60. De quoi doubler la charge de travail. «J'ai un peu râlé, mais j'ai trouvé mon rythme de croisière, raconte-t-elle. Pendant la préparation, je me demandais comment j'allais faire pour jouer. Mais quand on est metteur en scène, on est dans le bouillon. Donc au moment de jouer, on est prêt. Quoique, lorsqu'on réalise et qu'on joue, il faut se faire confiance devant la caméra.»

Jouer lui permet par ailleurs de découvrir les diverses facettes d'une personnalité qu'elle a longtemps camouflée. De multiplier les rencontres qu'on espère heureuses. «Comme je n'ai pas choisi d'être actrice, je ne me suis jamais sentie complètement à l'aise dans ce métier, avoue Sophie Marceau. Ç'a toujours été un casse-tête de savoir quel rôle m'irait ou non. Il fallait que mes rôles me ressemblent. J'étais extrêmement sélective. Je me suis donc rigidifiée. Je me suis compliqué les choses alors que, lorsqu'on est acteur, il faut être souple.»

Elle cite Andrzej Zulawski (le père d'un de ses enfants) lorsqu'on lui demande quels metteurs en scène ont changé le cours de sa vie d'actrice. «Antonioni également, même si le film qu'on a fait n'est pas du tout réussi (Par-delà les nuages). Il y a eu Georges Wilson au théâtre. Dans chaque film, j'ai appris quelque chose, dit celle qui a été une Bond Girl dans The World Is Not Enough. Quand vous sentez que les gens font les choses avec tout ce qu'ils ont, que c'est vital, c'est formidable.

«Je n'arrive plus à penser aux films que j'ai faits ajoute-telle. Ah oui! il y a eu Mel Gibson. Lui aussi a une vision des choses. Mais je m'en suis rendu compte avec La passion plus qu'avec Braveheart. On sentait qu'il avait vu depuis longtemps chaque plan.»

La disparue de Deauville a occupé les pensées de Sophie Marceau pendant quatre ans. C'est épuisant, mais pas assez pour qu'elle laisse de côté trop longtemps la réalisation. «Je pense à mon prochain film, mais je cherche sans chercher. L'autre doit être bien digéré.

«J'ai du travail à faire en réalisation, poursuit-elle. J'apprends sur le tas. Les écoles, la théorie, ce n'est pas mon truc.»

Elle risque donc de se faire diriger par d'autres, en Europe comme en Amérique, avant de repasser derrière la caméra. Elle apprécie, de toute façon, les deux aspects du métier. «Il y a des films dans lesquels je joue qui seraient un enfer à réaliser pour moi. D'un autre côté, quand on est acteur, on ne décide pas assez. On n'est que dans le regard de l'autre.»