Bob Dylan renaît dans l'intrigant et virtuose I'm Not There de Todd Haynes, dévoilé mardi à la Mostra de Venise, le premier film à évoquer la vie du légendaire chanteur folk américain avec un parti pris original : l'incarner en plusieurs acteurs, dont une femme.

Les deux tiers des vingt-trois films en compétition pour le Lion d'or ont été projetés depuis l'ouverture du festival (29 août-8 septembre) et l'un des plus ambitieux est sans conteste I'm Not There.

Multiforme et déroutant, ce film inspiré par la musique et les multiples vies de Bob Dylan selon l'inscription liminaire, débute avec l'image du corps du chanteur allongé sur une table d'autopsie, avant de suivre ses multiples incarnations, sous les traits du jeune Marcus Carl Franklin, puis de Ben Wishaw, Christian Bale, Heath Ledger, Richard Gere et... Cate Blanchett.

Dylan, qui n'apparaît jamais sous son propre nom, est d'abord un petit orphelin noir en fuite dans les années 50 au Missouri, qui chante les poignantes chansons qu'il compose à la guitare, puis un Arthur Rimbaud hirsute, interrogé face à la caméra par la police.

Suivent notamment un ex-chanteur devenu prêcheur dans les années 80, un musicien égoïste qui dans les années 70 néglige l'amour de sa femme peintre (Charlotte Gainsbourg) et en guise d'épilogue, un solitaire qui vit dans une forêt bientôt rasée pour faire place à une autoroute, à une époque inconnue.

Mais les scènes les plus marquantes de cet intriguant kaléidoscope de plus de deux heures sont celles où une Cate Blanchett androgyne prête ses traits à Dylan, dans une reconstitution psychédélique en noir et blanc des années 70.

Le film passe constamment d'un personnage, d'une époque et d'une photographie, d'un genre (documentaire, fiction, émission télé...) à l'autre avec une fluidité, une fantaisie et une créativité visuelle inouïes et évoque avec humour et au second degré, quatre décennies de l'histoire des États-Unis.

I'm Not There explore ainsi les multiples facettes d'un artiste aussi doué qu'insaisissable.

Toutes les chansons de la bande originale sont de nouvelles versions enregistrées pour le film, a expliqué Haynes en conférence de presse.

«Chacune est une réinvention unique de Dylan d'un point de vue moderne», a-t-il expliqué.

Au départ cinéaste underground réputé, Haynes a été primé à Cannes où Velvet Goldmine, son film glam rock a reçu le Prix de la meilleure contribution artistique en 1998, puis Loin du paradis a été quatre fois nommé aux Oscars en 2002.

Mardi, La Graine et le mulet, troisième film du franco-tunisien Abdellatif Kechiche, a été le favori des critiques et du public.

Celui-ci porte un regard chaleureux sur une famille franco-arabe d'origine modeste, dont le père, vieil ouvrier licencié par les chantiers navals de Sète, décide d'ouvrir un restaurant de couscous de poisson - la graine et le mulet - sur un vieux rafiot.

Servi par le jeu bouleversant d'acteurs non professionnels - Habib Boufares, Hafsia Herzi - le film dépeint avec délicatesse et humour des liens familiaux complexes entre Slimane, le père séparé de sa femme, ses cinq enfants, sa nouvelle compagne et la fille de celle-ci.

La place de la communauté franco-arabe, dans un contexte économique tendu en France, est finement analysée par Kechiche, auteur de La faute à Voltaire qui reçut le prix de la meilleure première oeuvre à Venise.

«Je voulais donner une représentation plus juste, plus réaliste, des Français d'origine arabe de la classe ouvrière, dont les médias et le cinéma donnent une vision très étriquée», a-t-il indiqué à l'AFP.