Story of Jen se passe dans un nulle part onirique, qui emprunte à l'Amérique ses longues étendues vallonnées et verdoyantes. C'est le Québec qui offre au film sesplus beaux décors. En Estrie, au parc des Grands Jardins, et aussi à Harrington, dans les Laurentides, où La Presse s'est rendue.

Il faut s'éloigner de l'autoroute, passer Morin Heights, et rouler, encore. Bientôt, la route ne sera plus asphaltée. Autour du chemin, des arbres, plus vraiment verts, mais pas encore rouges. En bordure, un lac. Au bout de quelques kilomètres, une maison abandonnée depuis plusieurs années reprend vie, le temps pour Jen d'y vivre son drame

Jen (Laurence Leboeuf) a 16 ans, et déjà une petite somme de malheurs derrière elle. Son père vient de se suicider. Sa mère, Sara, vit retirée du monde, dans une pauvreté sociale et culturelle. Jen et Sara vivent quelque part en Amérique. Sara et Jen parlent en français entre elles, seules. Autour, tout le monde parle anglais.

L'histoire de Jen est celle d'un isolement, dont la langue est une des manifestations. Mais le réalisateur français François Rotger (The Passenger) tient à le préciser : le lieu en Amérique n'est pas le Canada, et encore moins le Québec : «C'est un milieu sauvage, un peu western. On est un peu dans un pays imaginaire.»

À 31 ans, Marina Hands (Lady Chatterley) interprète Sara, une jeune femme perdue dans son désespoir. «Ce que j'aime, c'est aller dans des personnages complexes. Je ne me demande pas si c'est différent de moi. Ce qui est important, c'est de trouver une crédibilité, une vérité au personnage», nous expliquait la comédienne jointe au téléphone quelques jours avant la visite du plateau.

Avec candeur, naïveté, Jen va s'éprendre de Ian (Tony Ward), un homme qui vient aider sa mère. «La jeune fille va développer un amour d'enfance, et cet homme, au lieu de s'éloigner, va répondre très mal à ça», poursuit le réalisateur. Ian viole Jen. Et puis, Ian prendra la fuite, avant d'être retrouvé par le grand-père de la jeune fille, Melvin.

Pour interpréter Jen, Laurence Leboeuf a tenté de retrouver l'innocence des choses que l'on fait pour la première fois. Après Ma fille, mon ange, la jeune comédienne joue à nouveau un personnage abîmé par la vie. «J'aime le noir, j'aime la profondeur d'une peine, d'une misère, d'un problème. Je les aime, ces personnages», confesse-t-elle.

Engagement

 

Sur Laurence Leboeuf, François Rotger et Marina Hands ne tarissent d'aucun éloge. «Elle m'a vraiment impressionnée par sa concentration, dans un rôle très difficile, qui demande un grand engagement», juge Marina Hands, césarisée meilleure actrice en 2006 pour son rôle dans Lady Chatterley.

Dans la peau de Jen, Laurence Leboeuf passe du français (de France) à l'anglais, du silence, au chant. «Je voulais quelqu'un qui soit au coeur de cette double culture (anglaise et française), et Laurence est à l'aise autant en anglais qu'en français», dit François Rotger.

Sur le plateau, composé de Français et de Québécois, Tony Ward fait figure d'exception. Seul Américain et seul anglophone de l'équipe, le comédien et ancien mannequin ne se laisse pas effaroucher par une langue qu'il ne comprend pas. «Ma femme est japonaise, j'ai l'habitude», rassure-t-il.

Interpréter Ian d'un bout à l'autre de la province est une révélation pour Tony Ward. «Je ne peux plus supporter les films hollywoodiens où tout est tellement in your face. François, lui, ramène les choses à un niveau plus silencieux, et plus puissant. C'est le genre de films que j'aime, c'est le genre de choses dont j'avais besoin dans ma vie», raconte Tony Ward, qui rêve de s'installer au Québec, avec sa famille.

Story of Jen, est doté d'un budget de 2,8 millions. Les producteurs Tom Dercourt, en France, et Nicolas Comeau, au Québec comptent bien pouvoir présenter leur film à Cannes en 2008. «On a un scénario génial, des acteurs qui défoncent et des décors magnifiques. On est en train de faire un film au top», s'enthousiasme Tom Dercourt.