Avec L'ennemi intime, le réalisateur français Florent-Emilio Siri fait oeuvre de pionnier en montrant la guerre d'Algérie dans un spectaculaire film d'action au ton didactique, écrit à partir du vécu de soldats français dépeints à la fois comme bourreaux et victimes.

En 1959, au beau milieu d'une guerre d'Algérie qui ne dit pas son nom, le lieutenant Terrien (Benoît Magimel), dessinateur industriel dans le civil, rejoint les forces françaises qui mènent des opérations militaires en Kabylie.

Humaniste et sensible, il s'oppose bientôt, au sein de la section dont il a pris le commandement, au sergent Dougnac (Albert Dupontel), un «dur» qui conserve une certain code de l'honneur militaire dans un océan de barbarie.

L'ennemi intime plonge d'emblée au vif de la guerre, montrant une inspection musclée et nocturne d'un village kabyle «en demi-pension» - contrôlé par l'armée française le jour, et la résistance algérienne la nuit.

Au retour des militaires français la nuit suivante, les fellaghas, avertis, ont égorgé tous les villageois, dont les corps allongés jonchent le sol d'une maison, et Dougnac donne sur-le-champ la signification du massacre.

«Ce n'est pas de la sauvagerie gratuite!», lance-t-il, «ils ont voulu foutre la trouille aux autres villages!».

Ces scènes limimaires posent d'emblée les mérites du film et ses manques.
Admirateur des films américains sur la guerre du Vietnam tels que Platoon d'Oliver Stone ou Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Florent-Emilio Siri a voulu donner à L'ennemi intime un souffle épique.

Mais le registre du film de guerre à grand spectacle - scènes de combat à l'image panoramique, effets spéciaux, survol des paysages en hélicoptère, photographie grise aux contrastes fortement accentués... - écrase ici l'autre objectif de Siri: faire vivre intimement la guerre au spectateur.

Car faute d'avoir pris le temps d'individualiser des personnages dont on saura au final très peu de choses, tant sur le passé que sur les ressorts psychologiques, le réalisateur en fait bientôt des abstractions.

Aussi, le film est très documenté, grâce aux recherches menées par Patrick Rotman, l'auteur du scénario et documentariste de renom - Chirac, François Mitterrand, le roman du pouvoir et La guerre sans nom, un documentaire déjà consacré à la guerre d'Algérie, cosigné avec Bertrand Tavernier.

Mais, peinant à intégrer cette riche matière, L'ennemi intime pèche en multipliant les scènes édifiantes et les dialogues quasi prophétiques.

«Quand un ordre est moralement inacceptable, on doit le refuser, mon capitaine !», lance ainsi le lieutenant Terrien qui, bien que confronté à la torture pour la première fois, semble déjà avoir retenu les leçons de l'Histoire.

«On ne peut pas répondre à la barbarie par la barbarie! Un jour il faudra négocier avec les Algériens», dira-t-il plus tard.

Le point de vue algérien n'est montré qu'à travers le destin tragique de deux soldats arabes (l'un est joué par l'humoriste Fellag) qui, après avoir lutté pour libérer la France occupée, doivent, par fidélité au drapeau tricolore, combattre leurs propres frères.

La population, elle, n'apparaît que sous les traits hautement symboliques d'un enfant qui renie son protecteur français.

Ce film sort en France le 3 octobre.