4 mois, 3 semaines et 2 jours
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L'auteur cinéaste roumain Christian Mungiu (Occident), dont il s'agit du second long métrage, nous entraîne dans la Roumanie sinistre de la fin de l'ère communiste. Une jeune femme tombe enceinte. Elle veut avorter. Or, la pratique est illégale depuis 1966 sous le régime Ceausescu. Sans pathos, sans complaisance, mais avec une âpreté et une grande puissance d'évocation, Mungiu concocte un récit prenant dont la forme emprunte les allures d'une implacable descente aux enfers. Admirablement bien servi par des acteurs formidables, dont Laura Vasiliu (la jeune femme), Anamaria Marinca (une amie qui l'aide), et Vlad Ivanov (l'avorteur), le film bénéficie aussi d'une mise en scène époustouflante où s'entremêlent de longs plans séquences, souvent fixes, et des scènes tournées caméras à l'épaule. Palme d'or du Festival de Cannes cette année.

Continental, un film sans fusil
***1/2

Après avoir acquis une belle notoriété à Venise et à Toronto, ce premier long métrage de Stéphane Lafleur entame sa carrière québécoise au FNC. Privilégiant une véritable démarche d'auteur, le jeune auteur cinéaste jette les bases de son univers en imposant d'emblée un ton, une signature. En s'attardant aux parcours on ne peut plus «ordinaires» de ses protagonistes, le jeune auteur cinéaste dresse un portrait tragicomique qui colle à la peau tellement il semble plus vrai que nature. Bien servi par une impeccable distribution, de laquelle font notamment partie Gilbert Sicotte, Marie-Ginette Guay, Fanny Mallette et Réal Bossé, Lafleur offre ici un solide premier long métrage.

Persepolis
***1/2

Le récit autobiographique de Marjane Satrapi, une bédéiste française d'origine iranienne, fait aujourd'hui l'objet d'un remarquable film d'animation (en noir et blanc pour la majeure partie). Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Danielle Darrieux prêtent leurs voix à ce long métrage dans lequel l'auteure, qui coréalise ce film avec Vincent Paronnaud, évoque le passé récent de son pays d'origine. Une histoire de famille et d'exil, de guerre et d'oppression, dans une société de plus en plus réprimée, face à laquelle une jeune femme n'a parfois d'autre choix que d'aller vivre ailleurs. Tous les grands enjeux des années 70 et 80 sont ainsi vus - avec une étonnante légèreté - à travers les yeux d'une enfant qu'on enverra à l'Ouest. La jeune Marjane devra ainsi apprendre les valeurs occidentales, lesquelles peuvent paraître parfois surprenantes. Colauréat du prix du jury au Festival de Cannes (avec Lumière silencieuse), Persepolis vient d'être choisi pour concourir dans la course à l'Oscar du meilleur film étranger sous bannière française.

L'âge des ténèbres
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Après Cannes, Toronto, Grande Prairie, et un échec cuisant en France sur le plan commercial, le plus récent film de Denys Arcand aura son baptême du feu québécois au FNC. Les qualités d'écriture habituelles de l'auteur cinéaste émergent parfois de ce scénario, audacieux dans sa structure même. Certaines scènes, particulièrement celles qui relèvent de l'ordre du fantasme, ne produisent pourtant pas l'effet escompté, tant sur le plan de l'humour - très grinçant - que de celui du drame. Arcand propose ici une vision extrêmement désespérée de la société, des rapports humains, de la vie en général. Dans l'ensemble, le film fait voir ses qualités, mais laisse quand même une impression peu enthousiasmante. Le domaine de l'imaginaire - dont l'évocation n'est pas toujours habilement exécutée - semble plus nuire au récit que l'enrichir. De leur côté, les personnages périphériques ne sont pas assez développés pour créer un impact émotionnel significatif. Après toute la polémique que le film a suscité, ce sera enfin à vous de juger.

Les chansons d'amour
***1/2

L'influence des Parapluies de Cherbourg se fait voir dans Les chansons d'amour, un drame à caractère sentimental au romantisme exacerbé. Les personnages se mettent en effet parfois à chanter pour exprimer l'inexprimable. Sèchement accueilli par la presse internationale au Festival de Cannes mais fort d'une carrière très honorable en France, ce nouveau film de Christophe Honoré (Dans Paris) met en vedette Louis Garrel, Ludivine Sagnier et Chiara Mastroianni. On y relate le parcours d'un jeune homme dont la vie sentimentale est bousculée à la suite d'un événement tragique. Les références se révèlent ici pleinement assumées et contribuent à la réussite de l'entreprise. Bien sûr, les chansons d'Alex Beaupain ne seront pas du goût du tous, et le style d'interprétation - très français - en rebutera probablement plus d'un sur le plan musical. Mais pour qui accepte les règles du jeu, le charme est assurément au rendez-vous.

I'm not There
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Que voilà une expérience cinématographique pour le moins singulière. Todd Haynes (Far from Heaven) écarte d'emblée tout élément qui pourrait ressembler - même de loin - à une approche conventionnelle pour traiter les éléments biographiques d'un récit consacré à Bob Dylan. Il propose plutôt un portrait éclaté, tant dans le style que dans la construction, dans lequel l'artiste est incarné par six personnages - et acteurs - différents. Cate Blanchett, qui a décroché le prix d'interprétation du Festival de Venise grâce à ce film, livre une prestation saisissante dans la peau du Dylan «rock star». D'une intelligence redoutable sur le plan de la mise en scène (les chansons sont brillamment utilisées), I'm not There n'en reste pas moins un film très weird. Dans ce cas-ci, il s'agit d'un compliment.

Import / Export
***1/2

Ce nouveau film d'Ulrich Seidl (Dog Days) n'est pas du tout aimable. Que non. Pourtant, on ne peut faire autrement que d'admirer le culot d'un cinéaste qui brosse dans son film un portrait implacable de la condition humaine. D'où la profonde douleur qui en émane. On y raconte l'histoire de deux jeunes adultes qui ne se croiseront jamais. Olga (Ekateryna Rak), une jeune infirmière ukrainienne, décide d'aller en Autriche pour tenter de se faire une meilleure vie; Paul (Paul Hofmann) est un petit délinquant de Vienne qui part pour l'Ukraine afin d'aller y installer des machines à sous. À travers leurs parcours respectifs, Seidl fait écho à la misère humaine dans un récit qui aborde des thèmes pour le moins difficiles. Son film - très autrichien - est d'autant plus saisissant qu'il comporte des accents de vérité qui ne s'inventent pas. Et c'est bien ça qui est triste.

Lumière silencieuse
***1/2

Quand le soleil prend tout le temps qu'il faut pour déployer ses rayons dans les premières images de Stellet licht (Lumière silencieuse), le spectateur sait tout de suite qu'il entre dans un univers où le temps n'est plus compté de la même façon. D'une austérité toute bergmanienne, le troisième long métrage de Carlos Reygadas (Japon) fait écho à une histoire d'infidélité conjugale qui a cours dans un village de Mennonites au Mexique. Reygadas propose ici un film au rythme très lent, dont chaque image est minutieusement composée. L'auteur cinéaste mexicain s'attardera ainsi longuement à mettre en lumière l'intériorité et la détresse de ses personnages, réduisant leurs dialogues au strict minimum. Surtout, il fera corps avec la nature pour mieux en révéler la symbiose avec le genre humain. Ce film a partagé le prix du jury avec Persepolis au Festival de Cannes.

The Man from London
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Le cinéaste Béla Tarr jouit d'une grande réputation auprès des cinéphiles, bien que ses films soient très mal distribués. L'Homme de Londres, une adaptation d'un roman de Georges Simenon, est d'une beauté formelle éblouissante. Les plans sont savamment étudiés; les mouvements de caméras sont magnifiques; et les images, signées Fred Kelemen, sont admirables. Le style narratif très épuré risque toutefois de mettre à l'épreuve la patience de certains spectateurs. Cette présentation dans le cadre du FNC constitue toutefois une chance unique pour les admirateurs du cinéaste hongrois.

Caramel
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Un joli film, très sensible, qui nous offre du Liban une image différente que celle qui a alimenté les journaux télévisés. Pour son premier long métrage, l'actrice cinéaste Nadine Labaki dévoile son coin de Beyrouth à travers un regard essentiellement féminin. Employées et clientes d'un salon de coiffure se croisent pour dessiner le portrait moderne - et drôle - de femmes qui tentent de composer avec les paradoxes d'une société ouverte sur laquelle pèse toutefois encore le poids des traditions. À découvrir.