Pour son premier film américain, la réalisatrice danoise Susanne Bier fut placée sous l'aile protectrice de Sam Mendes. Halle Berry et Benicio Del Toro sont les têtes d'affiche de Things We Lost in the Fire, un film à caractère intimiste dans lequel on explore le thème du deuil.

Au départ, il y a ce scénario. Signé de la main d'Allan Loeb, un parfait inconnu qui, depuis quelques années, tente de se faire valoir à Los Angeles en tant que scénariste après avoir délaissé une carrière dans le monde de la finance à Chicago. Un scénario surgi de nulle part il y a quatre ans, sans que l'auteur lui-même n'en comprenne l'origine. Une histoire de deuil. Et de cicatrisation à travers le rapprochement de deux êtres dont l'affection pour le disparu semble en apparence être le seul point commun. Ils ont en effet aimé cet homme chacun de leur côté sans jamais se croiser; elle, en tant qu'amoureuse; lui, en tant qu'ami.

Ce script, pour lequel l'auteur ne croyait peut-être possible qu'une éventuelle percée auprès des producteurs de films indépendants, s'est pourtant un jour retrouvé dans les mains de Sam Mendes, l'estimé réalisateur d'American Beauty.

«On me l'a fait parvenir avec l'idée de m'en confier la réalisation, expliquait ce dernier au cours d'une conférence de presse tenue à New York dimanche dernier. J'ai trouvé ce scénario fascinant à la lecture, mais je ne pensais franchement pas être la bonne personne pour lui rendre justice. Aussi ai-je plutôt décidé d'agir en tant que producteur. Dès lors, mon travail a été de trouver le cinéaste dont l'univers était le plus facilement compatible avec celui décrit dans ce scénario.»

Instinctivement, Mendes s'est tourné vers Susanne Bier, une réalisatrice danoise qui, avec des films comme Open Hearts, Brothers et After the Wedding (sélectionné pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère cette année), a acquis une excellente réputation sur la scène internationale.

«Le scénario m'a tout de suite intéressée car il faisait écho à des thèmes que j'aime explorer, confie la cinéaste. Cela dit, j'ai quand même hésité. N'ayant jamais travaillé aux États-Unis auparavant, je craignais qu'on ne me permette pas d'avoir les coudées assez franches pour exprimer ma vision. J'ai été très étonnée de constater que ce ne fut pas le cas du tout. Au contraire, on m'a encouragée à prendre tous les risques, à faire preuve d'audace.»

Une histoire intense

De son côté, Halle Berry connaissait déjà l'existence de ce scénario. Elle tenait à camper le rôle de la veuve au point de faire campagne pour obtenir le rôle. «Chaque fois que je me renseignais sur l'évolution du dossier, on me disait que rien n'était encore décidé», rappelle l'actrice. Dont la plus grande préoccupation résidait dans le fait que le personnage qu'elle désirait incarner n'était pas au départ écrit pour une afro-américaine.

«Quand j'ai su que Susanne avait été choisie pour assurer la réalisation, je me suis d'abord précipitée sur les films qu'elle avait tournés auparavant, raconte Halle Berry. J'ai été fort impressionnée. Ensuite, nous nous sommes rencontrées à New York dans un restaurant alors qu'elle s'apprêtait à retourner chez elle. La première préoccupation que j'ai soulevée portait justement sur le fait que le personnage décrit dans le scénario était une femme blanche. Elle m'a répondu qu'elle n'en avait strictement rien à cirer. En revanche, elle m'a demandé de lui expliquer pourquoi j'aimais autant ce personnage.»

L'actrice fut ainsi choisie pour incarner Audrey, cette femme qui, mariée depuis 11 ans avec Brian (David Duchovny), voit sa vie s'écrouler le jour où ce dernier meurt au cours d'un incident violent. Pour l'aider à faire son deuil en compagnie des deux jeunes enfants du couple, Audrey invite chez elle Jerry (Benicio Del Toro), l'ami d'enfance que son mari fréquentait régulièrement à l'extérieur du cercle familial. Le but est de comprendre pourquoi Brian tenait à garder féconde sa relation avec ce toxicomane dont l'existence est tombée dans la déchéance la plus totale.

Benicio Del Toro, qui s'est plutôt fait rare sur les écrans au cours des dernières années, a particulièrement apprécié l'approche de la réalisatrice. «Susanne n'essaie pas de dorer la pilule. Même si sa vision est très précise, on se sent très libre devant sa caméra en tant qu'acteur.»

Del Toro, qui affirme ne pas être du genre à trimballer le personnage dans sa propre vie au moment du tournage, y trouve sans contredit l'un de ses plus beaux rôles.

«Il y a déjà quelque chose de très fort dans l'univers de Susanne Bier, observe-t-il. Je savais que les thèmes que nous allions aborder à travers ce film seraient traités sérieusement.»

Halle Berry, qui dit avoir appris à ne plus être «hantée» par ses personnages, a pu plonger tête première dans le tourment intérieur de cette femme.

«J'ai toujours aimé ce genre de rôles, dit celle qui, bientôt, accouchera de son premier enfant.

«Mes choix professionnels ne seront probablement plus tout à fait les mêmes une fois que j'aurai goûté aux joies de la maternité. Cela dit, je ne regretterai jamais les films que j'ai faits parce que mon enfant risque de les voir un jour. Ni la crudité de Monster's Ball, pas plus que la nudité complètement gratuite de Swordfish

Things We Lost in the Fire (Nos souvenirs brûlés en version française) prend l'affiche le 19 octobre.