Les voleurs de chevaux à la froide élégance des steppes de l'Est, la rudesse des histoires d'hommes et la sensualité des histoires d'amour. Dans un passé presque fantasmagorique, le réalisateur Micha Wald campe une histoire moderne et éternelle, celle de deux fratries dont les routes vont tragiquement se croiser.

Voleurs de chevaux est un drame qui se noue en trois actes: «lui», «eux» et «la traque». Lui, c'est Jakub (Adrien Jolivet). Engagé chez les Cosaques, Jakub veille sur son frère, Vladimir (Grégoire Leprince-Ringuet). Eux, ce sont les voleurs de chevaux, Roman (Grégoire Colin) et Elias (François-René Dupont). Un jour, Roman tue Vladimir. Jakub ne pense plus qu'à une chose, se venger.

«La base du projet, ce sont vraiment les frères, c'est la fratrie, mais c'est aussi la jalousie, l'amour. La fratrie, c'est vraiment une relation de couple», explique Micha Wald, venu présenter son film, en compétition pour la louve d'or au Festival du nouveau cinéma.

Remarqué pour son court métrage Alice et moi, primé dans de nombreux festivals, Micha Wald ne cache pas s'être inspiré de ce qu'il connaissait le mieux pour écrire son premier long, les relations d'amour et de haine qui peuvent unir deux frères. «On est quatre dans ma famille. Je n'ai qu'un an de différence avec mon frère, et on sait ce que c'est que d'être amoureux de la même personne, d'être jaloux, d'être frustrés.»

Les frères de Voleurs de chevaux vivent coupés du monde. Jakub et Vladimir s'engagent aux côtés des Cosaques, armée brute et sanguinaire qui veille, pour la Russie tsarine, sur les frontières entre la Pologne et l'Ukraine. Roman et Elias sont tout aussi marginaux et vivent de larcins. Au milieu de l'amour fraternel, Elias comme Vladimir mènent la vie qu'a choisie pour eux leur aîné.

«Il n'y a pas de bons ni de mauvais dans le film. Ils sont tous paumés. Moi, je ne voulais pas qu'il y ait de jugement. Je voulais perdre aussi le spectateur. En tant que spectateur, c'est quelque chose que j'aime bien. On est tellement habitués à anticiper dans certains films», dit Micha Wald.

Le réalisateur nous perd donc au milieu des steppes «quelque part, vers 1810». Il y a donc des costumes, mais que Micha Wald n'a pas souhaité exacts. Pas d'obsession de la reconstitution donc dans ce long tourné en Wallonie, et dans lequel la parole des hommes semble très contemporaine: les tonitruants «Tas d'larves» ou «Fiottes!» lancés par les Cosaques ne surprennent pas l'oreille contemporaine.

«Je voulais que la musique, le physique des acteurs et la langue soient contemporaines, mais que ça reste un film d'époque. On n'était pas complètement dans le faux, mais on a l'impression que ça pourrait être maintenant, et je trouve ça plus puissant», poursuit-il.

L'histoire reste ancrée dans un imaginaire est-européen, héritage de ses grands-parents juifs qui lui ont conté les histoires atroces des Cosaques. Dans une première version, le scénario campait le décor de la tragédie dans la Pologne de la Seconde Guerre mondiale, où deux frères, en fuite, trouvaient une jeune juive dans la forêt, et se battaient pour l'aimer.

«À la commission, en Belgique (institution finançant le cinéma, NDLR), ils disaient, ça suffit, toutes ces histoires. J'en ai moi-même eu assez de ce projet que je n'arrivais pas à faire, et j'ai choisi de garder ce que j'aimais dans l'histoire et de la transposer vers 1810», dit-il.

Poétique, Voleurs de chevaux est un film très organique, dans lequel l'eau, la terre et le vent occupent une grande place. Ce nouveau western, une coproduction France, Belgique et Canada, a tapé dans l'oeil de plusieurs programmateurs, à Cannes, où le film était sélectionné pour la Semaine de la critique.

Micha Wald s'est depuis attelé à la préparation de son deuxième long, un film contemporain où l'on parle de couple, de vieilles femmes juives et d'Ukraine.

Voleur de chevaux, aujourd'hui, 13 h, salle Cassavetes d'Ex-Centris. En salle dès vendredi.