Sandrine Bonnaire a la grâce à la fois grave et rayonnante de ses personnages. La comédienne découverte chez Pialat et Sautet s'exprime avec générosité et sincérité sur son premier film, Elle s'appelle Sabine, consacré à sa soeur autiste.

Sandrine Bonnaire avait eu l'idée il y a quelques années de consacrer à sa petite soeur un film. «J'ai eu l'idée de le tourner quand Sabine a été internée, explique Sandrine Bonnaire. Après, je me suis rétractée. Je ne voulais pas être impudique ou tomber dans quelque chose de people

Sabine a un an de moins que Sandrine. Élevée dans une fratrie de 11 enfants, Sabine montre très vite sa différence. Malgré tout, elle vit entourée de sa famille dans une relative autonomie. Jeune fille, elle apprend l'anglais, le piano, fait de la mobylette.

À l'adolescence, la ressemblance entre Sandrine et Sabine est frappante. Le fin visage de Sabine est encadré par une abondante chevelure brune. Dans les vidéos tournées par Sandrine, on voit Sabine prendre le Concorde pour New York, rire de l'altitude, danser avec sa soeur, sauter dans les vagues de l'océan Atlantique.

Sur les images tournées l'hiver dernier, la fine silhouette de Sabine s'est empâtée. Aujourd'hui, Sabine se déplace lentement, a perdu sa facilité d'élocution, a la bouche presque constamment entrouverte. Sabine bave, pose les mêmes questions, encore et encore, à sa soeur, derrière la caméra. Dans le regard, toujours la même étincelle.

«Je voulais vraiment faire le parallèle entre Sabine avant et Sabine maintenant. Ce n'est pas Sabine jeune, Sabine vieille. C'est vraiment deux états différents, que je tenais à filmer», raconte Sandrine Bonnaire. À l'âge adulte, Sabine est hospitalisée, puis internée pendant cinq ans. «Cinq ans dans un hôpital, ça devient carcéral», estime Sandrine Bonnaire. La femme qui ressort de ses cinq années de «prison» est brisée par l'angoisse, les médicaments.

Sandrine Bonnaire en a déjà ressenti de la colère, contre des pouvoirs publics français incapables de trouver une prise en charge adaptée pour ces patients. «Mais la colère est passée. Je me sens plus objective», assure Sandrine Bonnaire. Le film, habilement monté par Svetlana Vaynblat, n'assène pas moins un «coup de poing» à ses spectateurs.

«Je ne voulais pas un faire un film formaté, un reportage. J'ai essayé de ne pas être trop explicative, je voulais faire un portrait de Sabine. Son destin en fait une héroïne. Quand on suit une tragédie aussi terrible, on est forcément touché», estime Sandrine Bonnaire.

C'est un regard aimant, admirant, que pose Sandrine sur Sabine. «Elle a encaissé beaucoup de coups durs et elle est toujours là. Je me demande comment moi, j'aurais réagi», dit son aînée. Sabine, elle, regarde le film tous les jours et parle à sa soeur de «leur» film.

Dans son prochain film, Sandrine Bonnaire retournera la caméra sur elle, dans le premier film qu'elle coécrit avec son conjoint, le scénariste et romancier Guillaume Laurant (qui a signé le scénario, entre autres, du Fabuleux destin d'Amélie Poulain). Sandrine comédienne jouera l'autiste, dans un film qui questionne le regard des «normaux» sur les malades.

«C'est la première fois que je m'écris un rôle. C'est un clin d'oeil à Sabine, mais ce n'est pas Sabine. C'est à la fois le même sujet, mais c'est pris de l'autre côté: c'est comme si moi, je retournais la caméra de mon documentaire», dit la comédienne.

Avec un premier film salué par nul autre que Jean-Luc Godard, Sandrine Bonnaire avoue songer à retourner derrière la caméra. «J'ai envie de recommencer, avec la même équipe, répond-elle. Mais en documentaire, il faut bien connaître le sujet. Et il n'y en a pas d'autres que je connaisse aussi bien.»