Film de coming out, Comment survivre à sa mère met en scène des personnages qui ont des cadavres dans leurs placards et des secrets dans leurs tiroirs. Mais comment amener ces cachottiers à vivre leurs contradictions et à survivre à leurs hontes? Tel était déjà le thème de Mambo Italiano, la précédente collaboration entre le réalisateur Émile Gaudreault et le scénariste Steve Galluccio. Mais dans leur nouvelle comédie dramatique, sur nos écrans le 2 novembre, les rires se font moins sonores, bien que toujours présents.

«Je suis homosexuel.» Émile Gaudreault le dit en début d’entrevue, pour mettre cette question derrière lui, alors qu’il n’y a pas d’homosexuel dans son nouveau film, contrairement à Mambo Italiano. Mais ce coming out instantané nous met sur la piste du sens caché de Comment survivre à sa mère (Surviving My Mother), un titre qui en dit long sur l’image de la mère.

Le film est tout entier construit autour de la relation mère-fille, mais on peut facilement concevoir que c’est la vision de deux hommes, Gaudreault et Galluccio, qui s’exprime à travers leurs personnages féminins. Entre Clara (Ellen David) et sa mère mourante (Véronique Leflaguais), il existe un nœud de méconnaissance qui fait irruption in extremis dans cette courte phrase de la vieille femme à sa fille : «Je veux apprendre à te connaître». Clara se rend compte alors qu’elle ne connaît pas davantage sa propre fille. Elle s’efforce alors de se rapprocher d’elle. Mais ce qu’elle découvre est assez troublant. Sous ses airs angéliques, Bianca (Caroline Dhavernas) est une perverse qui fait le trottoir sur l’autoroute informatique. Ce qui l’amène dans le lit de l’énigmatique Michael (Adam J. Harrington). Mais n’en dévoilons pas davantage.

Bas les masques

«Je m’aperçois qu’entre Mambo Italiano et ce nouveau film, c’est toujours la recherche de l’authenticité qui m’obsède : il s’agit de laisser tomber les masques, de se montrer sous son vrai jour, de révéler ce qui est caché. Ici, c’est le «crime» de Clara, la sexualité de Bianca, l’identité de Michael. Ce sera encore le cas dans une prochaine comédie policière, qui mettra en scène 16 hommes, des pères et des fils. J’ai même en tête un film d’horreur où il sortira littéralement des cadavres des placards», déclare en riant Émile Gaudreault, dont la collaboration avec Steve Galluccio ne date pas d’hier : à la télévision, ils ont travallé aux séries Un gars, une fille, Ciao Bella et Histoires de filles.

Parlant de filles, comment Émile Gaudreault a-t-il construit les personnages féminins de son derner film? «J’y suis allé à l’instinct. Je me suis aussi inspiré d’une sœur, d’une tante, d’une amie et, bien sûr, de ma mère. D’ailleurs, j’observe que parmi les homosexuels, dont le cinéaste Pedro Almodovar, les écrivains Tennessee Williams et Michel Tremblay, il existe une propension à créer des personnages féminins forts.» Quelle force redoutable émane de Clara, la mère à laquelle il faut survivre? Il faut voir le film pour le savoir.

Remarquons que dans ses deux longs métrages, Émile Gaudreault se concentre sur des liens familiaux tellement serrés qu’ils en deviennent étouffants : «Nos parents nous habitent pour toute la vie, ils définissent tous nos autres rapports. On pourrait comparer cela à une sorte de hantise. Voilà à quoi rime la dernière image du film, dans laquelle Michael écoute parler le fantôme de son père. Mais à la fin, il lui dit de se taire!»