Rarement un film intimiste aura provoqué autant de remous en Grande-Bretagne. Brick Lane a créé la controverse lors de son tournage dans le quartier bangladais de Londres et le prince Charles a annulé la soirée de charité prévue cette semaine pour sa première.

Le film, centré sur le personnage de Nazneen, une jeune femme bangladaise qui a émigré à Londres à 17 ans après un mariage arrangé, a finalement eu sa première projection en Grande-Bretagne au Festival du film britannique de Londres.

Cette adaptation à l'écran de Brick Lane, roman de Monica Ali paru en 2003 avec un grand succès critique, a pourtant gommé les aspects les plus violents du livre. Et le film donne à tous ses personnages ont un côté attachant, au point d'être jugé trop consensuel par certains critiques.

La réalisatrice Sarah Gavron filme cette tranche de vie du point de vue de la jeune femme musulmane qui quitte rarement l'appartement étroit qu'elle occupe dans une morne HLM, avec son mari vieillissant au ventre proéminent et ses deux filles.

Les journées monotones de la jeune femme, qui se débat entre difficultés conjugales et financières, sont soudain éclairées quand apparaît dans sa vie Karim. Elle a, avec le jeune homme qui lui apporte des travaux de couture, une aventure.

Le film montre aussi la montée de l'islamisme et les tensions que provoquent les attentats du 11 septembre 2001 sur la communauté tout à coup prise pour cible.

À la fin du film, l'épouse soumise aux saris chatoyants, jouée par l'actrice bengalie Tannishtha Chatterjee, prend son destin en main.

Le tournage du film dans la communauté bangladaise de l'est londonien avait provoqué une violente levée de bouclier l'an dernier chez certains leaders communautaires.

Une centaine de manifestant s'étaient rassemblés en juillet 2006 à Brick Lane, une rue aux nombreux restaurants de curry, appelée aussi Banglatown, devenue un symbole pour les 330 000 Bangladais de Londres.

Ils ont menacé de brûler le livre, qualifié «d'insulte exécrable» pour la communauté, disant qu'il représentait les Bangladais comme ignorants et peu respectueux de la religion.

«Il y avait un petit groupe de gens avec un but politique qui a beaucoup fait parlé de lui» mais au total le projet a reçu un important soutien de la communauté, a assuré Sarah Gavron lors de la présentation.

La première du film a elle aussi créé des remous. Le prince Charles et son épouse Camilla devaient être présents à sa première projection lundi pour un gala de charité, la Royal Film Performance. Mais cet évènement a finalement été annulé et le film a été projeté pour la première fois vendredi dernier pour le Festival du film britannique.

«On ne nous a pas donné de raison», a expliqué la réalisatrice.

«Tout le monde avait à l'esprit qu'il y avait un peu de controverse autour de ce film (...) le choix du film est important mais aussi la date, c'est un mélange des deux raisons», a indiqué un porte-parole de Clarence House, les services du prince.

La monarchie, effrayée par une vague de colère dans le monde musulman quand la reine Elizabeth II avait anobli en juin Salman Rushdie, l'auteur des Versets sataniques, a sans doute voulu s'épargner une nouvelle crise.

Le film, qui a reçu des critiques contrastées en Grande-Bretagne, doit sortir sur les écrans britanniques le 16 novembre.

La date de sortie en Europe du film, qui a déjà reçu deux prix au Festival du film britannique de Dinard, en Bretagne, n'a pas encore été fixée. La réalisatrice a indiqué que les négociations pour qu'il soit projeté en Asie n'avaient pas encore abouti.