Comme tous ceux qui l'ont côtoyée, le cinéaste Charles Latour a été impressionné par Patricia Perez, une grande dame du syndicalisme québécois qui est morte en septembre, à 52 ans. Il l'a suivie pendant deux années et réalisé un film émouvant sur son combat pour la dignité des ouvriers mexicains qui travaillent dans les fermes du Québec.

Le film, qui sera présenté pendant les 10es Rencontres internationales du documentaire de Montréal, commence avec les visites clandestines de Patricia Perez, la nuit, dans des fermes de Saint-Rémi, au sud de Montréal. On la voit expliquer aux travailleurs qu'ils ont des droits, mais qu'ils doivent s'organiser pour les faire valoir.

Des scènes ont été tournées dans les logements des travailleurs, souvent exigus sinon insalubres: des plafonds coulent, des planchers sont pourris, des contenants de pesticides sont entreposés près des chambres et des cuisines, en violation flagrante de la loi.

Plusieurs scènes ont été prises dans les champs: on y voit des ouvriers qui répètent sans cesse les mêmes gestes, le dos penché ou à genoux sur la terre humide. Bon nombre d'entre eux souffrent de hernies abdominales ou de problèmes d'articulations, mais leur accès aux soins de santé est minimal.

Les bras croisés, l'air à la fois intéressé et inquiet, les ouvriers écoutent Patricia Perez et expriment leurs doléances. Ils travaillent au salaire minimum jusqu'à 80 heures par semaine, toujours à taux simple, sans jamais avoir d'heures supplémentaires. On sent qu'ils veulent défendre leurs droits, mais en même temps, ils ont peur d'être renvoyés au Mexique dès qu'ils font mine de protester contre leurs conditions de travail.

C'est le dilemme que vit Bonifacio Santos Moreno, un homme solide âgé d'une cinquantaine d'années. Il décide de faire confiance à Patricia Perez, il signe sa carte de membre des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce et se joint à la campagne de syndicalisation, ce qui lui vaut un avis de renvoi. Contestera-t-il ou pas? Il est déchiré. Il finit par refuser cet avis. La Commission des relations du travail obligera son employeur à le reprendre, jugeant qu'il a été congédié pour activités syndicales.

Cette petite victoire est obscurcie par des défaites. Mais Patricia Perez, qui en a vu d'autres, affirme: «Quand on tombe, il faut se relever.» Son courage, son intelligence, son dévouement total au sort de ses compatriotes placés dans une situation de vulnérabilité extrême a inspiré le jeune cinéaste.

Son film n'a rien d'une dénonciation-choc. Il présente aussi le point de vue des fermiers et des représentants patronaux. Mais on sent une sympathie profonde pour ceux qu'on appelle «le sel de la terre», pour ces hommes et ces femmes qui, de la Californie au Québec, nous permettent de nous approvisionner en fruits et en légumes à bas prix.

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Le documentaire Los Mexicanos: Le combat de Patricia Perez, produit par les films Macumba, sera présenté demain à la Grande Bibliothèque à 20 h, puis dimanche à 14 h à la Cinémathèque québécoise. Il sera aussi diffusé sur les ondes de RDI le 22 novembre à 20 h, à l'émission Les grands reportages.