Les récents films de fiction consacrés par Hollywood au conflit en Irak ou à la guerre contre le terrorisme ont échoué au box-office nord-américain, sans doute victimes d'un phénomène de lassitude et de saturation, notent des experts.

Rompant avec une tradition observée lors de précédents conflits dans lesquels les États-Unis étaient impliqués, les cinéastes se sont emparés du sujet des guerres de l'après 11 septembre avant la fin des hostilités et plusieurs films au fort contenu politique sont arrivés cet automne sur les écrans.

Mais malgré des distributions prestigieuses et des réalisateurs chevronnés, aucun de ces longs métrages n'est parvenu à équilibrer son budget de production, et certains ont été démolis par la critique.

Rendition, un drame consacré aux pratiques du renseignement américain de sous-traiter les interrogatoires des suspects à des pays tiers, n'a obtenu que 10 millions de dollars.

In the Valley of Elah, sur un père enquêtant sur la mort de son fils en Irak, n'a recueilli que sept millions en Amérique du Nord depuis septembre, malgré de bonnes critiques.

Même le film d'action The Kingdom n'a pas équilibré son budget de 70 millions de dollars, se contentant de 47 millions au box-office.

Ces performances médiocres n'augurent rien de bon pour d'autres films du même tonneau attendus ce mois-ci, notamment le drame politique Lions for Lambs, de Robert Redford et Redacted, film coup de poing signé Brian de Palma sur le viol et le meurtre d'une petite Irakienne par des soldats américains.

Pour le critique Lew Harris, responsable du site Internet spécialisé Movies.com, ces films ont du mal à séduire les foules parce que les thèmes de l'Irak et du 11 septembre sont encore trop proches. Et souvent, ces longs métrages ne sont pas assez divertissants, selon lui.

«On ne peut pas faire un film anti-guerre ou anti-torture, et espérer que les gens vont venir le voir», déclare-t-il à l'AFP, en qualifiant Rendition de désastre.

«Les gens veulent voir des films de guerre avec de l'aventure, mais il est difficile de faire un portrait haletant et excitant de l'Irak», dit-il. «Et c'est encore trop proche. Les films sur le Vietnam n'ont commencé à sortir que longtemps après la fin de la guerre», affirme M. Harris.

«Pour la première fois, on voit dans les salles de cinéma ce que l'on lit déjà dans les journaux ou que l'on voit à la télévision, alors que beaucoup de gens vont au cinéma pour échapper au quotidien», estime-t-il.

«Je pense que (ces films) sont quelque chose que les gens ne veulent pas payer pour voir au cinéma alors que c'est déjà couvert en long et en large, gratuitement», renchérit Gitesh Pandya, du site spécialisé boxofficeguru.com.

Le thème de ces films les a rendus particulièrement vulnérables à de mauvaises critiques, remarque M. Pandya: «les oeuvres visant un public adulte sont bien plus touchées par les critiques que ceux qui s'adressent aux adolescents (...) et les critiques n'ont pas été bonnes».

«La télévision est saturée par cette guerre et je ne sais pas si on peut faire un film grave sur cette guerre d'un point de vue qui dépasserait toute la négativité que porte en lui ce conflit extrêmement impopulaire», constate pour sa part le producteur Steven Bochco, cité par le New York Daily News.

M. Bochco, qui avait porté en 2005 au petit écran une série de fiction sur un peloton de soldats en Irak, note que la Seconde Guerre mondiale était plus commode à traiter pour les scénaristes.

«Il y avait des méchants sans ambiguïté, le sentiment que nous combattions les gens qu'il fallait, pour de bonnes raisons, contrairement à cette guerre dont beaucoup de gens pensent qu'elle est injustifiée», ajoute-t-il.