Une frénésie rare s'est abattue lundi sur l'hôtel Regency, pourtant habitué à recevoir les stars à New York. Dustin Hoffman et Natalie Portman s'y trouvaient d'ailleurs ce jour-là. Mais c'est un écrivain qui, pour une fois, volait la vedette.

Des fans faisaient le pied de grue, lundi, sur Park Avenue, pour apercevoir le maître de l'horreur et lui demander un autographe. Les journalistes, par dizaines, piaffaient eux aussi d'impatience, dans la grande salle de conférence du Regency, à New York. Hé, Stephen King était en ville... et, pendant quelques heures, il a été le King de la Grosse pomme.

Rappelons que le romancier n'accorde à peu près pas d'entrevues et fait très peu de sorties publiques. Il partage tranquillement sa vie entre le Maine et la Floride, avec sa femme Tabitha. Or, surprise! Il a décidé de participer à la promotion de The Mist, le film que Frank Darabont a tiré de sa nouvelle éponyme et qui prend l'affiche le 23 novembre.

Il faut dire qu'une longue amitié lie les deux hommes: ce long métrage est le quatrième texte de King que le réalisateur porte à l'écran - après le film à petit budget Dollar Babies et, surtout, The Shawshank Redemption et The Green Mile.

Et il faut ajouter que The Mist occupe une place particulière dans l'oeuvre de Stephen King: «Nous étions en 1980. J'avais publié Carrie, Salem's Lot et Night Shift... et j'étais bloqué. C'est ce que j'ai répondu à mon ami Kirby McCauley quand il m'a demandé de participer à l'anthologie Dark Forces. Plus tard, j'étais au supermarché, j'attendais aux caisses. Et là, j'ai pensé à ce qui pourrait se passer si la vitrine explosait. Que voulez-vous... c'est comme ça que je pense. C'est ainsi que j'ai débloqué. J'en serai toujours reconnaissant à Kirby... et à The Mist», a raconté l'écrivain.

Raconter est vraiment le mot. «On peut lire des messages politiques ou sociaux dans mes romans, mais quand vous écrivez sérieusement, il est impossible que vos textes ne reflètent pas, d'une manière ou d'une autre, les événements qui surviennent autour de vous», a-t-il répondu à un journaliste qui voyait dans de The Mist une critique du pouvoir - qu'il soit politique ou religieux - particulièrement pertinente en cette ère d'extrémismes. «Mais je suis avant tout un conteur d'histoires.»

Quiconque l'a lu le sait. Il faut l'entendre pour sentir, vivre, à quel point cela est vrai. D'une voix qui n'est pas d'outre-tombe, il vous entraîne, au fil de ses mots, dans un autre supermarché. Il est en train de pousser son chariot. Vous le voyez? Il ralentit en voyant la vieille dame qui marche vers lui d'un pas vif. S'arrête. L'écoute. «Elle m'a lancé: «Je sais qui vous êtes et je déteste les histoires que vous écrivez. Moi, j'aime les choses comme The Shawshank Redemption.» Je lui ai dit que c'était moi qui avais écrit ça. Aussi sec, elle m'a répondu: «Non!» Et elle est partie.» Vous la voyez, tourner au bout de l'allée et disparaître? Les journalistes présents, eux, l'ont vue. Juré.

C'est ainsi que pendant une heure, le romancier a multiplié les anecdotes et les histoires. «Ce qui me fait peur? Mais... tout me fait peur! Lisez mes livres, vous verrez. J'ai la chance d'être payé pour coucher sur papier ces choses que les gens disent, couchés sur un divan, à leur psy!» s'est esclaffé le King de l'horreur... qui, entre nous, n'est ni horrible ni «king».

Long et mince, désarmant de simplicité dans son jean sans marque et son pull de grosse laine - mais, quand même, assorti à la couleur de ses yeux - Stephen King est à l'image de ses personnages. Un humain ordinaire (d'accord, si on ne tient pas compte de la taille de son compte en banque). Les cheveux que la soixantaine a fait grisonner. Les lunettes, moins grandes qu'autrefois mais au moins aussi épaisses. Et qui, quand on l'observe marcher, garde des séquelles de l'accident qui a failli lui coûter la vie en 1999, lorsqu'un chauffard l'a renversé alors qu'il se promenait près de chez lui. Cela lui sert d'ailleurs de matériel pour son prochain roman, a-t-il annoncé.

Il l'a dit, il écrit à partir de ses peurs, ces peurs qui sont aussi les nôtres.

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Les frais de ce voyage ont été payés par Alliance Vivafilm.