Les producteurs et distributeurs manquent-ils de respect envers les artisans du cinéma? Le coup de gueule de Patrick Huard, selon qui les producteurs et distributeurs lèsent les artisans du cinéma, crée le malaise parmi les réalisateurs, producteurs ainsi que leurs représentants.

Sans commentaire: c'est la réponse derrière laquelle se sont retranchés, hier, le producteur du film Bon Cop, Bad Cop, Kevin Thierney, le président de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), Jean-Pierre Lefebvre. Christal film, producteur et distributeur des 3 p'tits cochons était aux abonnés absents, hier.

Visé par la sortie de Patrick Huard, Patrick Roy, le distributeur de Bon Cop Bad Cop, Alliance Vivafilm, s'en tient à une mise au point. «La réalité, c'est que l'on n'a pas de liens contractuels avec les artisans. Que ce soit pour les acteurs, scénaristes ou réalisateurs, toutes les négociations se font avec les producteurs. On respecte nos ententes à la lettre, comme on respecte les artisans», plaide-t-il.

Les auteurs, maltraités par leur producteur? Sceptique, Pierre Even, le producteur de C.R.A.Z.Y. et de Nitro rappelle qu'une part importante du box-office d'un film revient au propriétaire de la salle de cinéma, avant d'être récupérée par le distributeur. Viennent ensuite ceux qui ont investi dans le film, parmi lesquels les institutions publiques (SODEC et Téléfilm) et les producteurs.

«On est loin du système américain où les vedettes touchent sur les recettes brutes en salle. On ne peut pas être dans un système subventionné et récupérer sur les recettes. Et il n'y a personne qui fait des profits avant que ceux qui ont investi ne récupèrent leur argent», dit-il.

«Je ne pense pas qu'on est sous-payés pour ce que l'on fait. Il faut regarder ça dans la société: il y en a qui gagnent 25 000 $ mais qui travaillent 365 jours par année», avance Frédérik d'Amours, le réalisateur de l'un des succès de l'année, À vos marques... party!, tout en soulignant que Patrick Huard a sans doute des raisons à sa colère.

Là où Huard marque un point, estime Frédérik d'Amours, c'est sur la rémunération des réalisateurs sur les droits des DVD. «Notre association (ARRQ) ne fait rien pour défendre les droits du DVD. Je ne jette le blâme sur personne, c'est à nous de dire qu'ils ne font pas les bonnes affaires», dit-il prudemment.

Les réalisateurs ne sont pas considérés comme des auteurs et ne perçoivent donc aucune redevance sur la diffusion, télé notamment, de leur film. Un enjeu de taille, croit Philippe Falardeau, réalisateur et scénariste de Congorama. «La solution, c'est d'avoir un statut d'auteur pour le réalisateur. Il faut essayer de faire reconnaître ce droit-là», revendique-t-il.

Pour l'heure, aucune disposition légale ne prévoit des droits pour les réalisateurs, une fois le film sorti sur grand écran ou vendu sur DVD. «C'est comme si l'on disait qu'aujourd'hui, on va rétribuer les musiciens uniquement sur la vente des billets, mais pas sur la vente des disques. Ce n'est pas normal», remarque le scénariste de Nitro, Benoît Guichard.

Sur le droit d'auteur, Patrick Huard crève l'abcès, croit-il. «Tout le monde le pense tout bas, mais personne n'ose le dire.» Pour la forme en revanche, la méthode Huard fait grincer des dents. «Ce n'est pas parce qu'on ne peut pas payer un avion en classe affaires à Patrick Huard qu'on manque de respect à ses artisans», note Pierre Even.