Une petite ville sur laquelle tombe une brume hantée par des créatures terrifiantes. Des gens qui se retrouvent prisonniers entre les murs d'un supermarché. Où sont les véritables monstres? Dehors ou dedans? Le réalisateur Frank Darabont et le romancier Stephen King font de nouveau équipe pour raconter The Mist une histoire où l'horreur se fait, aussi, humaine.

Quand elle a reçu le scénario de The Mist, Marcia Gay Harden, que l'on a pu voir dans Mystic River de Clint Eastwood et Into the Wild de Sean Penn, a levé le nez dessus. De manière charmante - si l'on se fie à la scène qu'elle a «rejouée» aux journalistes auxquels elles s'adressaient plus tôt cette semaine, à New York - mais un brin choquée: «Moi, dans un film d'insectes!»

Quelle idée Frank Darabont, scénariste et réalisateur de ce long métrage basé sur la nouvelle éponyme de Stephen King, avait-il eue là?! Une bonne idée. La comédienne s'en est rendu compte en lisant le texte. «J'ai rapidement vu le facteur Lord of the Flies là-dedans. Et j'ai été séduite par le projet», ajoute Marcia Gay Harden.

À première vue, The Mist est en effet une «histoire d'insectes». Dans une petite ville du Maine, un groupe se retrouve prisonnier dans un supermarché lorsqu'une brume habitée par des créatures monstrueuses s'abat sur les lieux. Survient alors le «facteur Lord of the Flies», une référence au roman classique de William Golding (Sa Majesté des mouches) qui montre la fragilité de la civilisation. Ce classique raconte l'histoire de garçons livrés à eux-mêmes sur dans île déserte pendant la Seconde Guerre mondiale. Rapidement, après une tentative de recréer une société, ils s'organisent de manière tribale, sauvage, violente, «guidés» par un chef charismatique et... religieux.

C'est un peu ce qui se passe dans The Mist, où le «chef religieux» s'appelle Mrs. Carmody. C'est le personnage que, finalement, Marcia Gay Harden a accepté d'incarner. C'est aussi celui qui provoque, par ce qu'il fait ou subit, le plus de réactions dans le public - a pu constater La Presse lors d'une avant-première du film. Le plus de réactions... avant la scène finale. Dont on ne peut souhaiter que rien ne coulera dans les médias.

«Il faudrait écrire que celui qui révèle la fin de The Mist devrait être pendu haut et court», a plaisanté (vraiment?) Stephen King, lors d'une de ses rares sorties publiques. Lui-même a été saisi par cette dernière scène, dont on sort secoué, ébranlé, choqué! C'est que la nouvelle, qu'il a écrite en 1980, se terminait de manière ouverte. Cela peut plaire sur papier. Pas sur écran, en tout cas, pas au public que vise la production.

Frank Darabont, qui a déjà collaboré avec le maître de l'horreur (il a scénarisé et réalisé The Shawshank Redemption et The Green Mile), a tenté quelque chose. L'a écrit. Envoyé à King. «Il m'a répondu que s'il avait lui-même pensé à une telle fin, il aurait terminé le texte ainsi», affirme le réalisateur qui a, depuis toujours, eu envie de travailler sur cette histoire «puissante et subversive» qui fait la preuve «qu'il n'y a pas pire horreur que celle qui est en nous».

Les véritables monstres de The Mist ne sont pas ceux qui hantent la brume - et font du long métrage un film d'horreur - mais ceux qui hantent les rayons du supermarché - et font du film un drame social et psychologique.

«C'est un film sur la manière dont les gens réagiraient devant une menace terrible, dans la peur totale. Comment, alors? Mieux ou pire que ce qu'ils imaginent, là, à froid. Mais je pense que les héros, dans une telle situation, seraient rares. En fait, je trouverais étrange, vraiment bizarre, que les gens sortent de la salle et n'aient pas envie de parler de ce qu'ils viennent de voir», commente Tobie Jones, qui interprète un employé du magasin, le garçon rondouillard et souriant que l'on ne prend pas vraiment au sérieux... mais que la situation va transformer.

Comme elle va transformer tous les «prisonniers». Mrs. Carmody devient un leader qui puise sa force dans la peur la plus pure et offre le «réconfort» des «instances supérieures». Norton, avocat new-yorkais de passage à sa maison de campagne, lui, se réfugie «dans la logique, la rationalisation... et la négation. Il est si sûr de lui qu'il en devient rassurant», fait son interprète, Andre Braugher.

Et il y a ceux qui vont se réfugier dans la cellule de base. La famille. C'est le cas pour David Drayton (Thomas Jane, absent en cette journée d'entrevues car il se trouvait au Nouveau-Mexique, où il réalise son premier film), qui était allé faire des courses avec son fils Billy, joué par Nathan Gamble. Le gamin, qui a joué dans Babel d'Iñárritu, juge, du haut de ses 9 ans, que «The Mist, si je ne jouais pas dedans, n'est pas un film que je devrais voir».

Car outre l'horreur, la production donne une étrange impression «d'être là». Dans l'action. Parce que le film a été tourné très rapidement. En 37 jours. Avec 35 rôles parlants. Et hurlant, parfois: «L'attaque des oiseaux préhistoriques sur le supermarché aurait, dans certains films, demandé une semaine de tournage. Nous l'avons faite en une journée», indique Frank Darabont. Un choix artistique. Une référence au passé, aussi: le réalisateur tenait à revisiter, à sa manière, les classiques de l'horreur, «tournés de manière guérilla et non symphonique». Pour cela, deux caméras «flottantes» qui suivaient... non, espionnaient les comédiens en tout temps. Pas de temps morts ni de pauses. Pas le droit de décrocher du rôle.

«Sur le plateau, assure le jeune Nathan Gamble, il était facile d'avoir peur: tout le monde était si bon à faire semblant d'être terrifié, que c'était vraiment effrayant». Même si les insectes monstrueux étaient, pour l'occasion, représentés par des croix sur les vitrines et des marionnettes. Imaginez maintenant que l'équipe des effets spéciaux a remplacé les croix, les marionnettes et les balles au bout de perches par des mouches, des araignées, des oiseaux et des créatures tentaculaires...

Il ne faut pas en douter: l'horreur humaine, glaçante et insidieuse, n'est pas la seule à hanter The Mist.