Dans Suzie, écrit et réalisé par ses soins, Micheline Lanctôt conduit un taxi, à Montréal, de nuit. Dans la voiture de Suzie, personnage solitaire et marginal, atterrit un soir un enfant seul et silencieux, Bibi. C’est Halloween. Un soir de fête, un soir où les solitaires ne se cachent plus pour pleurer.

«Le thème général du film, c’est la marginalisation. Il y a deux personnages rejetés : l’enfant, parce qu’il est étrange, et Suzie, parce qu’elle est âgée. Ces deux personnages sont mutiques», raconte Micheline Lanctôt, rencontrée sur le plateau du film cette semaine.

Tourné en 20 jours, à Montréal, Suzie est le récit d’une seule nuit. La nuit où Viviane (Pascale Bussières), la mère de Bibi (Gabriel Gaudreault), ne peut plus supporter l’autisme de son jeune fils. Elle l’envoie à son père, Pierre (Normand Daneau), en partance pour des vacances avec sa nouvelle flamme.

Au milieu de ces tristes allers-retours, Suzie s’attache à Bibi. Le ramenant chez sa mère, «elle s’aperçoit qu’elle est tombée dans une crise familiale assez violente», dit Micheline Lanctôt. En répétition lors de l’ouverture du plateau aux médias, on pouvait entendre, à travers les murs pas si épais des appartements d’Outremont, Viviane  et Pierre se crier des noms d’oiseau.

Après la répétition, Pascale Bussières dira, la voix cassée : «Viviane, la maman, est en plein choc nerveux. On comprend alors que c’est la mère d’un enfant autiste. On comprend qu’elle tient le coup depuis neuf ans. On comprend aussi qu’elle est arrivée au bout de ses capacités. Devant la gravité du problème, il n’y a pas d’issue.»

«Suzie se retrouve dans un moment d’éclatement familial», poursuit Pascale Bussières, avant que n’apparaisse Normand Daneau. Il s’éclipse, mais d’ici à son retour, «il faut que je m’ouvre les veines», dit Pascale Bussières, avant de rentrer dans la peau de son personnage.

L’affrontement entre Viviane et Pierre tourne au drame, mais pas à la tragédie. «On prend ces deux personnages-là dans un moment de crise. C’est pas beau, c’est laid, ils se disent les pires bassesses. Mais ça va amener une refonte du couple et de la famille», explique Normand Daneau.

Au milieu de cette folle nuit, Suzie emmènera Bibi loin de la crise, dans son monde à elle. Un monde d’hommes, multiculturel et nocturne. «Tout le reste de la distribution est multiculturel. J’ai toujours été sensible à ça», dit Micheline Lanctôt.

Avec ce nouveau film, la comédienne et réalisatrice s’offre de belles retrouvailles avec Pascale Bussières, qu’elle a fait joue pour la première fois, il y a 25 ans. «Pascale, c’est comme ma fille spirituelle. Depuis le temps qu’on se connaît, jouer avec elle est un plaisir exceptionnel», dit-elle.

Quant à Gabriel Gaudreault, Micheline Lanctôt ne cache pas son ravissement devant les capacités d’acteur du jeune garçon, qui incarne un personnage «pas comme les autres». «Il est hyper patient, hyper talentueux, dit-elle. Il est vraiment épatant dans sa façon de comprendre ce trouble-là.»

Le tournage de Suzie, nocturne, se poursuivra jusqu’au 27 novembre. Après, Micheline Lanctôt compte s’accorder une pause pour souffler et prendre du recul sur son film, et confier le montage à Aube Foglia. (Le goût des jeunes filles, Black Eyed Dog). «J’ai trop le nez collé dessus. J’ai besoin de prendre du recul. Je ne suis plus objective, confie-t-elle. Aube Foglia est très bonne pour les relations entre les personnages.»