Amour, rivalités, drogues et disparitions composent le quotidien des jeunes personnages de The Point, troisième long métrage du réalisateur montréalais Joshua Dorsey. Et c'est à Pointe-Saint-Charles, et en anglais, que ça se passe.

La rencontre avec Joshua Dorsey a lieu, elle, avenue Laurier, à Montréal. Qu'on ne s'y trompe pas, le choix de Pointe-Saint-Charles est plus qu'un simple décor ou une coquetterie sociale. «La pointe» n'est pas son lieu de résidence, mais Joshua Dorsey peut se vanter de bien connaître le quartier et ses autochtones puisqu'il y a enseigné et tourné deux films.

«The Point est né il y a huit ans, quand certains artistes ont commencé à donner de leur temps pour enseigner l'art à l'école. À Pointe-Saint-Charles, les enfants vont à l'école, mais ne font rien d'artistique», explique Joshua Dorsey, impressionnant gaillard aux cheveux longs.

Peu à peu naît l'idée de faire un film avec les adolescents du quartier. C'est One Day, son deuxième long, réalisé avec Kim Byrd. Pour The Point, Joshua Dorsey trouve le soutien de l'ONF et des institutions pour faire un film, dont les véritables héros sont les adolescents eux-mêmes.

«On a fait le tour de la ville et on a demandé aux jeunes si l'aventure les tentait. On a commencé sans idée de scénario, mais alors les jeunes ont commencé à regarder ce qu'il y a de dramatique dans leur vie. Le scénario est né de ce processus collectif», raconte Joshua Dorsey.

C'est sans doute la meilleure surprise du film, montrer une jeunesse brute de décoffrage, sans lissage et sans censure. «Il y a beaucoup de films avec des adolescents, comme C.R.A.Z.Y. ou La rage de l'ange. C'est un thème populaire, utilisé par les adultes pour parler de leur propre expérience. On donne rarement le point de vue des adolescents sur ce qu'ils vivent, au moment où ils le vivent», poursuit-il.

Dans The Point les «bitch» ponctuent les échanges (anglais oblige), les adolescents sont fugueurs à leurs heures, rêvent d'ailleurs et d'autrement mais ne savent pas toujours comment. Il y a de la misère, beaucoup, des sentiments à vifs, mais rien n'est instrumentalisé pour tirer une larme au spectateur. C'est la vie, tout simplement.

Deux ans après le tournage, Joshua Dorsey garde un souvenir ému d'un tournage entouré d'acteurs non professionnels. «C'est quelque chose, de leur faire comprendre que leur vie est intéressante, qu'ils peuvent être simplement eux-mêmes devant la caméra sans jouer à Hollywood. Et ça m'impressionne de voir ce qu'ils ont fait», dit Joshua Dorsey.

Joshua Dorsey espère montrer ceux que l'on ne veut pas voir, les ados. «La société voit les adolescents comme un problème et jamais comme une partie de la solution», croit celui qui a tourné son premier long en Bulgarie en 1996. «Je ne suis pas un gros agitateur social», se défend-il toutefois.

Le réalisateur aime les défis. «Je regarde toujours quels sont les plus gros obstacles à surmonter», précise celui qui, enfant, se destinait plutôt à devenir «un super héros». C'est à Harvard qu'il se découvre une passion de cinéaste. Joshua Dorsey délaisse son ancienne flamme pour le septième art, tout en pratiquant du karaté.

Karaté et cinéma ont failli se rejoindre quand Dorsey, habitué des compétitions, est pressenti afin de chorégraphier des cascades pour un film de Dolph Lundgren. «Je ne trouvais pas les chorégraphies bonnes. J'étais tellement puriste que j'ai refusé de le faire», dit-il.

Le cinéma et les arts martiaux pourraient fort bien réapparaître dans la vie du réalisateur qui travaille actuellement à un scénario de film d'action en français. En attendant, peut-être, une sortie de The Point dans le reste du Canada, histoire de faire connaître l'histoire d'un quartier et d'une jeunesse oubliés dans l'île de Montréal.