L'industrie québécoise du cinéma vit carrément au crochet de l'État. Ce sont en effet les gouvernements de Québec et d'Ottawa qui financent dans une forte proportion la production de longs métrages québécois.

Prenons la dernière année financière, terminée le 31 mars dernier, et dont les statistiques sur notre industrie du film viennent d'être publiées par l'Observatoire de la culture et des communications du Québec.

Selon notre analyse, Québec et Ottawa ont financé à eux seuls 80 % des coûts de production des 18 longs métrages entièrement québécois réalisés au cours de cette période, soit 49,6 millions d'aide publique sur un coût de production total de 62 millions de dollars.

Du côté des coproductions québécoises, l'aide gouvernementale représentait 25 % des coûts de production des 15 films québécois coproduits avec des producteurs étrangers. L'aide publique s'élevait à près de 21 millions de dollars, sur un coût de production total de 84 millions.

Les programmes d'aide publique à la production cinématographique sont gérés, pour la plupart, par la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles du Québec) et Téléfilm Canada.

Beaucoup de poids

Ces deux organismes ont tellement de poids dans le financement des productions locales que cela leur donne forcément un droit de vie ou de mort sur la grande majorité des projets cinématographiques proposés au Québec.

Sans le feu vert et l'apport financier de la SODEC et de Téléfilm, peu de projets de longs métrages peuvent voir le jour, le risque financier devenant trop grand à supporter aux yeux des autres bailleurs de fonds des films québécois, tels les distributeurs et les producteurs.

À la lumière du tableau, vous serez à même de constater que, de tous les investisseurs privés impliqués dans la production des 18 films québécois pure laine, ce sont les distributeurs qui ont injecté le plus d'argent, voire 12,0 % de la facture de production.

Les producteurs de films, eux, ont allongé 3,17 % et les télédiffuseurs un maigre 1,5 %.

Du côté des 15 longs métrages coproduits au Québec avec l'aide de nos gouvernements, ce sont les coproducteurs étrangers qui ont acquitté le gros de la facture, soit 57,7 % du coût total de production.

La contribution des distributeurs s'est élevée à 11,2 %, celle des producteurs locaux à 1,3 % et les télédiffuseurs ont avancé moins de 1 % du coût total de production.

Précisons ici que huit des coproductions québécoises sont en langue anglaise. Cela expliquerait pourquoi le coût de production moyen des coproductions (5,63 millions par film) dépasse nettement celui des longs métrages «purement» québécois (3,45 millions).

Décompte final de la dernière année financière terminée à la fin de mars dernier: des 146,5 millions de dollars qu'il a fallu débourser pour financer les 33 longs métrages estampillés «Québec», les gouvernements ont fourni près de la moitié des fonds (70,5 millions), les coproducteurs étrangers le tiers (48,7 millions), les distributeurs 11,5 % (près de 17 millions), les producteurs à peine 2,1 % (3 millions) et les télédiffuseurs un maigrichon 1,1 % (1,6 million).

Le dilemme du film québécois

Chiffres à l'appui, voici le vrai dilemme financier auquel le film québécois est confronté.

En 2006, dans les salles de cinéma près de chez vous, les films québécois ont rapporté des recettes de projections en salle d'à peine de 19 millions de dollars, avant taxes.

Or, le coût de production des films québécois projetés l'an dernier sur nos écrans totalisait environ 90 millions, dont 75 millions étaient assumés par nous-mêmes (SODEC, Téléfilm, distributeurs et producteurs locaux, etc) et le reste par des coproducteurs étrangers.

Les recettes des films québécois à notre box-office ne représentent donc que 25 % des sommes investies par nos «investisseurs» locaux dans la production de nos longs métrages.

Bien entendu, les recettes des films québécois ne se limitent pas au box-office québécois. Aux recettes du box-office de 2006, il faut y ajouter des recettes d'une dizaine de millions de dollars pour la vente de DVD des films projetés, plus une couple de millions pour la location des films dans les clubs vidéo.

Ventes à l'étranger

Des revenus de vente à l'étranger et de diffusion à la télévision payante et conventionnelle, voire quelques millions supplémentaires dans le meilleur des mondes, viendront ensuite réduire le manque à gagner entre les coûts de production des films québécois et leurs recettes potentielles.

Quoi qu'il en soit, les films québécois, sauf de rares exceptions comme Les invasions barbares, Bon Cop Bad Cop, Séraphin, La grande séduction, C.R.A.Z.Y, Les Boys, sont pour la plupart grandement déficitaires.

Les recettes mondiales et de tout acabit des films québécois représentent historiquement moins de 50 % du coût de production.