Erik Canuel, Charles Binamé, Michel Brault ou encore Philippe Falardeau, réalisateurs et réalisatrices venus du cinéma ou de la télévision, distribuent aujourd'hui leur film dans la rue. Une façon nouvelle pour les réalisateurs d'aborder un problème qui n'a pourtant rien de neuf, la reconnaissance d'auteur.

Sans reconnaissance, pas de droits, rappellent les réalisateurs québécois qui distribueront gratuitement des DVD de leurs films aujourd'hui dans le Quartier latin. Un film peut donc susciter de fortes recettes, être diffusé à la télévision ou vendu en DVD à plusieurs milliers d'exemplaires sans que son réalisateur n'entende jamais monnaie sonner et trébucher.

«J'ai fait 27 longs métrages et je ne reçois pas un sou de ma vie de réalisateur», constate crûment Jean-Pierre Lefebvre, président de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), en entrevue à La Presse. Pour l'exploitation, en salle ou en vidéo, d'une oeuvre, les artistes peuvent percevoir des droits de suite, les scénaristes des droits d'auteurs, mais les réalisateurs, rien. Être reconnu comme un auteur, «c'est la condition première pour avoir des droits. Ce sera une bataille, tant que la loi n'aura pas changé», explique Jean-Pierre Lefebvre.

À qui la faute? Si les réalisateurs montrent du doigt un vide légal, les producteurs, eux, ont le regard tourné du côté de la rentabilité du cinéma québécois. Parler de la reconnaissance légale du droit d'auteur, «c'est prendre un faux problème, même si c'est écrit noir sur blanc que la loi n'octroie pas de façon spécifique un droit pour les réalisateurs, dit Claire Samson, présidente-directrice générale de l'Association de producteurs de films et de télévision au Québec (APFTQ). Si les réalisateurs étaient reconnus, il n'y aurait pas plus d'argent à partager, dans la mesure où de l'argent, il n'y en a pas.»

En effet, les recettes réalisées en salle par un film sont d'abord partagées entre les exploitants de salles et les distributeurs. Ensuite, ce sont les investisseurs, c'est-à-dire, les institutions publiques, et bailleurs de fonds, qui se remboursent. Viennent ensuite les producteurs, et, s'il reste quelques sous, les créateurs, explique-t-on à l'APFTQ. «Le jour où les producteurs vont récupérer une partie des revenus, alors les autres en auront, poursuit Mme Samson. Le problème, c'est que le producteur n'en fait pas, de profit. La marge de profit varie de 0 à 3% chez les maisons de productions, poursuit Claire Samson. Un dépanneur fait plus d'argent qu'une maison de production.»

Faible pouvoir de négociation

L'entente signée entre réalisateurs et producteurs en 1989 laisse la possibilité de négocier, de gré à gré, des droits pour les réalisateurs. Rares sont toutefois les réalisateurs ayant suffisamment de poids pour s'assurer un revenu pour l'exploitation de leur film.

Et faible est la marge de manoeuvre du réalisateur dans un contexte où, hors du cinéma indépendant, l'appui d'un producteur et d'un distributeur est indispensable pour soumettre un projet de film aux institutions publiques (SODEC et Téléfilm Canada).

Dans le débat, «tout le monde se défend, chacun reste sur la même situation, constate Jean-Pierre Lefebvre. C'est tout le système de financement et de récupération des profits qui doit être revu.»