Le conflit social qui menace de scléroser le secteur de l'audiovisuel américain s'est envenimé jeudi avec l'annonce par les scénaristes en grève du dépôt d'une plainte contre les producteurs, qui ont qualifié cette mesure de gesticulation.

Le syndicat des scénaristes, «Writers Guild of America» (WGA), et celui des producteurs, «Alliance of Motion Picture and Television Producers» (AMPTP) ont rompu leurs négociations le 7 décembre, rejetant chacun la faute sur l'autre de la persistance du blocage.

Et jeudi, à l'issue de presque six semaines de grève, «la WGA a porté plainte contre l'AMPTP auprès du Conseil national des relations du Travail («National Labor Relations Board», NLRB, une instance fédérale ndlr) en raison de son refus de négocier de bonne foi avec la WGA», a indiqué le syndicat.

Le 7 décembre, la WGA, qui réclame une revalorisation des droits d'auteur pour tenir compte de l'exploitation du travail de ses membres sur de nouveaux supports (Internet, baladeurs numériques, DVD...), avait accusé l'AMPTP de lui avoir lancé un «ultimatum» aux termes inacceptables.

«Que l'AMPTP lance un ultimatum et rompe les négociations pour notre refus de céder à leurs requêtes illégales constitue clairement une infraction à la loi fédérale», a affirmé le syndicat, en appelant à nouveau l'AMPTP à revenir à la table des négociations.

L'AMPTP a rapidement riposté, estimant jeudi soir que «le dépôt d'une plainte auprès du NLRB rappelle le vieux dicton des avocats: «quand vous avez les faits pour vous, plaidez les faits. Quand vous avez la loi pour vous, plaidez la loi. Et quand ni l'un ni l'autre ne sont pour vous, frappez du poing sur la table».

«La WGA en est maintenant réduite à frapper du poing sur la table, et cette plainte sans fondement et désespérée auprès de la NRLB constitue une nouvelle preuve du fait que la stratégie de négociation de la WGA n'a abouti à rien pour les scénaristes», a assuré le syndicat des producteurs.

La WGA et l'AMPTP se sont séparés le 7 décembre sur un constat d'échec, sans mentionner de date de reprise des négociations. L'AMPTP avait alors dit refuser de participer «à la destruction de ce secteur» économique et affirmé que les exigences des scénaristes étaient disproportionnées.

Toute rédaction ou révision de scénario de télévision ou de cinéma est de facto gelée depuis le début de la grève le 5 novembre. Des piquets de grève sont déployés devant les entrées des grands studios de la région de Los Angeles, et notamment autour de Hollywood, le quartier historique du cinéma dans le nord-ouest de la mégalopole californienne.

Plusieurs séries télévisées dont Desperate Housewives et 24 heures chrono ont déjà été affectées par la grève, outre les «talk-shows» de soirée qui ont dû avoir recours à des rediffusions. La plupart des animateurs de ces émissions ont pris à leur charge les salaires de leurs employés au chômage technique.

Côté septième art, les tournages des films Anges et démons avec Tom Hanks, Pinkville d'Oliver Stone et Shantaram de Mira Nair avec Johnny Depp ont notamment été retardés.

Ce conflit risque en outre de jeter une ombre sur la saison des récompenses, qui vient de démarrer jeudi avec les nominations aux Golden Globes et culminera avec les Oscars le 24 février.

Les autorités de Los Angeles et de Californie ont mis en garde contre un conflit de longue durée, qui risquerait de coûter des centaines de millions de dollars à l'économie locale. L'onde de choc pourrait en effet se propager à tous les secteurs d'activité gravitant autour du cinéma, des techniciens de plateau aux chauffeurs de limousines.