Avec Des nouvelles du nord, Benoît Pilon envoie une carte postale sans clichés des habitants de Radisson et Chisasibi, à la Baie-James. Le réalisateur de Roger Toupin, épicier variété et Nestor et les oubliés fait découvrir la vie quotidienne à côté des barrages hydro-électriques.

Dans les années 70, le gouvernement du Québec lance un vaste chantier de barrage hydroélectrique dans le Nord. En pleine effervescence nationaliste, le gigantesque chantier vante le génie québécois, qui prend possession de l'immense territoire septentrional.

Trente ans plus tard, les derniers habitants d'un village québécois créé de toutes pièces en plein territoire cri sont tombés dans l'oubli. «Dans notre société montréalaise, on n'entend plus parler de ça. Cet espèce de mythe me restait en tête», dit Benoît Pilon.

Après le gigantisme des images d'archives des grands défrichages forestiers, Des nouvelles du nord montre un couple présentant fièrement son carré de pelouse, son érable, son cerisier. Chez Benoît Pilon, on revient du côté de la mémoire, et de l'infiniment humain.

«Planter des fleurs, c'est un désir d'enracinement, au sens propre et au sens figuré. Pour moi, c'est quelque chose de tout à fait symbolique. C'est l'un des exemples de ce désir de prendre racine, de s'enraciner sur un territoire», raconte Benoît Pilon.

Il y a les fleurs, mais aussi les tombes. Radisson n'a pas encore de cimetière. Les morts de Radisson étaient retournés vers leurs familles, vers le sud. Aujourd'hui, certains espèrent rester et mourir ici, en signe d'attachement à un village qui ne devait être que provisoire.

À une centaine de kilomètres de là, le village de Fort-Georges a un cimetière. Territoire ancestral des Cris, cette petite île a été vidée de ses habitants lors des travaux d'Hydro-Québec. La communauté s'est installée à Chisasibi, sur la terre ferme, à quelques kilomètres de là. Les morts, eux, sont restés au village.

Entre ces deux communautés, qui se fréquentent peu, Benoît Pilon cherche ce qui les rassemble. Son film, «c'est comment une communauté essaie de s'inscrire dans un territoire et de se créer une mémoire, parallèlement à une communauté qui est là depuis des millénaires, qui a été ébranlée, et qui cherche ses repères», dit le réalisateur.

Des deux côtés, Benoît Pilon traque la vie, dans son quotidien, intime, plus que dans les faits sociaux. Il y a le premier mariage célébré à Radisson. Il y a, à Fort-Georges, une grand-mère qui montre à son petit-fils comment monter un tipi. À Radisson comme à Chisasibi, on s'inquiète de voir les jeunes partir «vers le sud».

Pendant deux ans, parallèlement au tournage de Nestor et les oubliés, Benoît Pilon découvre les us et coutumes de la vie isolée, mais pas désolée, au bord de la baie James. «Ce qui m'a frappé, c'est de me dire qu'on est au Québec, mais on est dans un autre pays. On est en territoire cri quand on est là-bas. Oui, on a négocié le territoire, mais comme blanc, quand tu sors de Radisson, tu sors de l'enclave, et t'es chez les Cris», dit-il.

Toujours plus au nord

Après Des nouvelles du nord, Benoît Pilon est retourné dans le Grand Nord (au Nunavut) pour tourner cette fois son premier long métrage de fiction, scénarisé par Bernard Émond, Ce qu'il faut pour vivre, sur le dépérissement d'un jeune Inuit envoyé à Québec.

Le tournage du film s'est étalé sur une année. Comme pour ses documentaires, Benoît Pilon laisse le temps aux choses. «Mon métier, c'est de tâter le pouls des gens. Je regardais le film sur Bob Dylan l'autre fois, et je me suis dit: dans le fond, c'est ça que je fais, des folk films. Dans le fond, ce qui m'intéresse, c'est le coeur des gens.»