C'est une petite école de la région Oromo, perdue dans les collines, comme il en existe des centaines en Éthiopie. Assise sur son banc de bois, Tiya attend le clap, face à la caméra, pour dire son texte.

Projecteurs et réflecteurs ont été installés partout dans la classe, éclairant le jolie minois de la fillette en uniforme violet. Le réalisateur, Abderahmane Sissako, vérifie sur son écran de contrôle la qualité de l'image avant de lancer «Action!».

«Kalachehun Tebeku!», répète plusieurs fois la petite fille, les yeux pleins de détermination: «Tenez votre promesse!» en amharique, la langue nationale éthiopienne.

Intitulé Le rêve de Tiya, le court métrage d'Abderahmane Sissako raconte l'histoire, commune en Éthiopie, d'une petite fille qui doit travailler avant d'aller à l'école pour aider ses parents à financer ses études.

Il s'inscrit dans un projet de sensibilisation sur les Objectifs de développement du millénaire (ODM) établis par l'ONU pour les pays les moins développés, qui réunis huit grands noms du cinéma international.

Le rêve de Tiya illustre le premier de ces huit objectifs qui doivent être atteints en 2015: éradiquer la faim et l'extrême pauvreté.

«Je ne souhaite pas m'inscrire dans une dénonciation de la souffrance, mais montrer que l'extrême pauvreté se voit dans le combat d'une fille de huit ans qui, avant d'aller à l'école, doit coudre une chemise», explique le metteur en scène mauritanien.

Trois autres réalisateurs ont déjà tourné leur film: Jane Campion (Nouvelle Zélande) en Australie sur l'eau et l'environnement, Gaspard Noé (France) au Burkina Faso sur le sida, et Jan Kounen (Pays-Bas) au Pérou sur la santé maternelle.

Sean Penn (États-Unis), Wim Wenders (Allemagne), Gus Van Sant (États-Unis) ont également été sélectionnés pour le projet par la société française LDM Production. Un huitième réalisateur reste à choisir.

«Nous avons demandé à huit réalisateurs de tourner des courts métrages sur les huit ODM qui seront rassemblés comme des chapitres dans un film intitulé Huit que nous espérons présenter au prochain festival de Cannes», explique à l'AFP la productrice du projet, Lissandra Haulica.

«Cette idée est née il y a quatre ans à la suite d'une discussion avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD, partenaire du projet de 4 millions d'euros) sur les ODM qui sont très peu connus en Occident», ajoute-t-elle.

Dans la cour de l'école de Sululta, à une vingtaine de kilomètres d'Addis Abeba, Abderahmane Sissako, poursuit son tournage: un petit cireur de chaussures en haillons doit recevoir de Tiya une grenade pour la manger.

«C'est la beauté qui sauvera le monde disait Dostoïevski. Le thème de l'extrême pauvreté est très difficile, mais il faut donner à voir qu'il n'y a pas de monopole de la beauté, et que celle-ci n'empêche pas de voir la souffrance», explique M. Sissako.

«Nous les artistes sommes là pour sensibiliser, même si le sujet n'est pas simple, et pour dire qu'il y a des problèmes irrésolus qui touchent tout le monde. C'est la responsabilité des gouvernements, surtout en Afrique, de résoudre ces problèmes», ajoute l'auteur de Bamako, une critique de la Banque mondiale.

Pour lui, «il est dommage que pour ce projet, je sois le seul réalisateur issu du Sud comme on dit. La parole sur les ODM devrait être mieux partagée. On parle très souvent d'Afrique, mais elle parle très peu d'elle-même».