Après avoir bloqué l'autoroute Bonaventure et tourné dans le Red Light montréalais, le plateau de The Factory, film d'un budget d'environ 29 millions réalisé par Morgan O'Neill, s'est installé hier matin au Centre de soins ambulatoires de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. La Presse a fait un tour incognito (ou presque) sur les lieux du tournage du film américain du moment.

«Circulez, y a rien à voir»: c'est un peu le message lancé par la production à notre adresse. Des visiteurs venaient visiter leurs proches à l'hôpital, des patients se présentaient à un rendez-vous: l'hôpital, ouvert au public, restait accessible hier par le Centre de soins, fermé le week-end. La production n'a toutefois pas apprécié la présence-surprise de journalistes, pas plus que la star américaine John Cusack, qui se dérobait à l'objectif de notre photographe.

Dans une vieille Chevrolet, garée devant l'entrée du Centre, John Cusack (Being John Malkovich, Say Anything..., High Fidelity) joue un homme qui sommeille. Il est tiré brusquement de ses songes par un gardien de sécurité. La neige continue à tomber et la Chevrolet se met en branle, puis s'éloigne, jusqu'au «Coupez!»

Si le personage de Cusack est fatigué, c'est parce qu'il a du pain sur la planche. Policier, il traque un tueur en série. L'une de ses pistes le mène dans une maternité. Dans The Factory, nous ne sommes pourtant pas à Montréal, mais à Buffalo. Aussi, le premier étage du Centre des soins ambulatoires de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont se transforme en une maternité qui semble tout droit sortie de l'époque pré-loi 101.

Les panneaux indiquant les «Rooms», les photographies de «Babys» ou encore les classeurs étiquetés «Children Welfare» ont pris la place des dossiers courants du Centre. Devant l'entrée, des ambulances rouges et blanches de Buffalo se sont substituées aux ambulances jaunes du Québec. Les bus bleus et blancs de la STM ont eux aussi changé de couleur et arborent des pubs de Dunkin' Donuts.

Du français sur le plateau

Au Buffalo Regional Hospital, on parle anglais (of course!). Sur le plateau, en revanche, c'est plutôt le français qui domine: 160 techniciens québécois ont été embauchés pour travailler pour les deux mois de tournage de The Factory.

En français aussi, le brouhaha dans la salle d'attente, au rez-de-chaussée. Vieux et jeunes quidams font un brin de causette aux quelques blouses blanches de la salle. Une trentaine de figurants travaillaient hier sur le plateau de The Factory; certains sont chargés de sortir de l'autobus, d'autres joueront les infirmiers ou les médecins.

Bagel à la main, un jeune homme d'une trentaine d'années discute avec l'une des infirmières, une femme entre deux âges. Tous deux ne savent pas encore ce que la journée leur réserve, mais ils se félicitent des bonnes conditions de travail qui règnent sur les plateaux anglophones par rapport aux plateaux québécois. Ils affirment devoir cela au syndicat des artistes canadiens, l'Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists.

En plus d'être mieux payés, les figurants ont accès aux mêmes salles de lunch que les comédiens principaux d'un film, même si les vedettes restent inaccessibles. «Le Kraft est meilleur», estime le jeune homme, habitué des plateaux. La semaine dernière, il faisait un préposé aux bénéficiaires dans un autre hôpital pour une autre production de Joel Silver en tournage à Montréal, The Orphan.

«Je trouve ça surprenant de voir comment ils trouvent des hôpitaux fermés», s'amuse-t-il. Le tournage de The Factory au Centre ambulatoire a en effet été possible pendant les fins de semaine, en dehors des heures d'ouverture. Ce matin, si tout va bien, ni le personnel ni les patients du Centre ne devraient se rendre compte qu'un tournage a eu lieu.

Pour le Centre, cette activité de fin de semaine est une première. Ouverte en 2003, cette extension flambant neuve de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont a tapé dans l'oeil des producteurs grâce à son design. «Le Centre est tout neuf, tout moderne; ça fait un studio intéressant», estime le porte-parole de l'hôpital, Pascal Mailhot.

Les anciens bâtiments de l'hôpital Le Gardeur et de l'hôpital de Lachine ont longtemps accueilli les plateaux de tournage. Depuis, Le Gardeur a été converti en centre de soins de longue durée et Lachine a été fermé aux tournages. Tant mieux: dans un Centre «tout beau, tout neuf», c'est un peu de «l'anti-Invasions barbares» qui est mis en valeur, se réjouit Pascal Mailhot.