La 58e Berlinale a pris jeudi une tournure très politique avec Heart of Fire, de l'Italien Luigi Falorni, dénonciation honorable mais un peu plate du drame des enfants-soldats en Érythrée, dont la thèse est contestée par les autorités d'Asmara.

Inspiré du récit autobiographique de l'Érythréenne Senait Mehari, le film, présenté par son auteur comme une fiction à caractère documentaire, relate le destin de la petite Awet, confiée par son père, au début des années 1980, à un mouvement rebelle érythréen en lutte contre l'Éthiopie.

La fillette, incapable de saisir le sens d'un conflit qui la dépasse, est intégrée à une unité combattante. D'abord maintenue en retrait des affrontements proprement dits, elle se voit ensuite confier un fusil automatique, dont elle sait à peine se servir.

«À partir de cette histoire spécifique, j'ai voulu évoquer le sort de tous les enfants impliqués malgré eux dans la guerre», a expliqué Luigi Falorni, 36 ans, devant les journalistes. «Le moment le plus difficile, c'est quand, lors du tournage, j'ai dû mettre une arme dans les mains d'une gamine de dix ans», a-t-il ajouté.

Le cinéaste italien, auteur en 2004 de L'histoire du chameau qui pleure, tourné en Mongolie dans la langue locale, relève ici un autre défi international: son film produit en Allemagne a été tourné au Kenya avec des acteurs amateurs, issus de la diaspora érythréenne, et qui jouent dans leur propre langue, le tigrinya.

Malgré un scénario bien construit et la jolie performance de la petite Letekidan Micael, le film, qui donne à comprendre le quotidien de ces enfants-soldats, a été plutôt froidement accueilli lors de la projection de presse: assez platement réalisé, Heart of Fire trouve rarement son souffle.

Mais l'équipe du film a surtout été confrontée à des questions sur l'authenticité des faits rapportés. «Ce que nous avons montré dans le film est très, très proche de la vérité», s'est défendu un des producteurs, Sven Burgermeister.

L'auteur du livre, Senait Mehari, est elle-même poursuivie en justice à Hambourg par deux Érythréens affirmant l'avoir connue  pendant la période concernée, et qui contestent avoir subi une instruction militaire en sa compagnie. Une plainte qualifiée par l'éditeur allemand du livre de tentative pour faire taire Mme Mehari.

Le film et le livre sont également vus d'un mauvais oeil par les autorités érythréennes, qui contestent que les rebelles ayant combattu pendant 30 ans pour l'indépendance du pays, finalement acquise en 1993, aient jamais utilisé des enfants-soldats.

«Un responsable de l'ambassade d'Érythrée a harcelé les principaux acteurs que nous avions recrutés, et la plupart se sont désistés parce qu'ils craignaient pour leur vie», a affirmé mercredi Andreas Bareiss, l'un des producteurs.

Quoi qu'il en soit, le film ne remet pas en cause toutes les choses formidables accomplies pendant 30 ans de lutte érythréenne, a souligné Luigi Falorni, confiant son admiration pour le combat héroïque des Érythréens face aux Éthiopiens.

La Berlinale se poursuivait jeudi avec Restless, où l'Israélien Amos Kollek décrit les retrouvailles d'un père et son fils entre Jérusalem et New York, et Il y a longtemps que je t'aime, premier film du romancier français Philippe Claudel, où Kristin Scott-Thomas et Elsa Zylberstein campent deux soeurs séparées par un drame.