Quels sont les 10 meilleurs courts métrages des années 2000? Les 26es Rendez-vous du Cinéma Québécois donneront la réponse à l'occasion d'un gala, ce soir. La Presse a décidé de se pencher à cette occasion sur l'un des grands mouvements du court au Québec : Kino. Il y a presque 10 ans, un groupe d'amis s'était proposé de produire un court métrage par mois jusqu'au bogue de l'an 2000. Le bogue n'a pas eu lieu et Kino a depuis grandi, mûri, douté. Aujourd'hui moteur du microcinéma, Kino veut voir son avenir en grand.

En 10 années d'existence à peine, Kino a grandi, fait des petits partout dans le monde, a douté et s'est rebâti. Kino n'a pas tourné le dos à la philosophie de ses débuts - «Faites bien avec rien, faites mieux avec peu et faites-le maintenant» - mais préfère se voir aujourd'hui comme un «moteur du microcinéma».

«On veut faire du microcinéma, on veut l'amener le plus loin possible», explique Jéricho Jeudy, 34 ans. Jéricho Jeudy est l'un des rares kinoïtes de la première heure à s'impliquer encore fidèlement dans l'organisation. Le réalisateur consacre à Kino environ de 10 à 15 heures chaque semaine.

«Je travaillais avec Christian Laurence à Canal Vie quand il a lancé un défi pour un an. Après cette première année, ça a très bien marché. On était vraiment enthousiastes. Quand on a décidé de s'établir dans un lieu fixe et de continuer, j'ai proposé à Christian un slogan: faites bien avec rien, faites mieux avec peu et faites-le maintenant», se souvient-il.

En 1999, les caméras mini-DV commencent à apparaître. La vidéo se démocratise, mais en ces temps pré-YouTube, manque toujours la plateforme de diffusion. Avec ses soirées ouvertes à tous organisées chaque mois, ses «cabarets», Kino suscite rapidement l'engouement de jeunes réalisateurs, acteurs, techniciens, qui veulent créer sans contraintes.

Malgré le succès d'une formule reprise aux quatre coins de la province, puis sur quatre continents et dans 50 pays, la cellule mont-réalaise de Kino a dû se repenser, se réinventer après six ans d'existence. «Quand on a commencé à avoir des rêves Jéricho et moi, on rêvait de bâtir un carrefour des artistes, ceux qui ont une vision marginale par leur démarche. Or, ces gens-là ont tendance à travailler seuls», explique Christian Laurence.

L'ancienne garde kinoïte a donc peu à peu laissé la place à une «nouvelle gang». «Vers la fin, dans le fond, Christian et moi on voyait les gens qui avaient démarré avec nous s'éloigner de plus en plus. À un moment donné, on n'allait plus vraiment nulle part. On maintenait ce qu'on avait mais on n'avait plus de projets stimulants. Et puis il y a eu une nouvelle gang, un passage de flambeau», raconte Jéricho Jeudy.

La cellule montréalaise s'offre deux directeurs artistiques (bénévoles) et un directeur général (salarié), François Toussaint, venu à Kino Montréal grâce à la Belgique. Le comité artistique, composé d'une vingtaine de personnes, s'est alors défini un nouvel axe de conduite: faire de Kino le moteur du microcinéma.

«Pourquoi le moteur du microcinéma? Eh bien, premièrement, pourquoi le mot microcinéma? C'est un mot qui peut faire sa place. En gros, c'est un cinéma qui a les mêmes ressources que le cinéma amateur, mais qui n'est pas amateur. C'est un cinéma fait par des cinéastes, mais avec des moyens d'une modestie totale», explique Jéricho Jeudy.

En rupture avec le désordre supposément établi avec Kino, donc, le mouvement s'attaque maintenant au monde fauché, certes, mais professionnel du cinéma. Bref, Kino fait moins que jamais des «Kinos», explique Jéricho Jedy. «Le microcinéma a maintenant une forme de maturité dans le nouveau cinéma, et nous, Kino, on a gagné une maturité sur ce qu'on veut faire. Et nous, on veut faire du cinéma.»

L'un des nouveaux défis, explique Jules Saulnier, codirecteur artistique de Kino, «c'est le passage en haute définition (HD). Les films ont une qualité. On commence à avoir de plus en plus de Kinos tournés en HD et on aimerait aller vers des soirées tout en HD», décrit-il.

Parce que les kinoïtes ne veulent pas attendre pour être pris au sérieux, la cellule montréalaise travaille actuellement à un programme dans lequel six courts métrages seraient tournés grâce à une subvention, et pourraient faire l'objet d'une exploitation sur DVD ou en salle.

«C'est pas pour l'argent, mais pour avoir un plus large public. Pour Kino, c'est embêtant d'être toujours en marge», constate Jéricho Jeudy. Et qui dit films financés dit acteurs et techniciens payés aux normes, et dit exploitation possible. «Sinon, personne ne peut parler des films. C'est un boulet pour les jeunes», croit Jules Saulnier.

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COMENT VIT KINO

Kino, un exemple parfait de partenariat public-privé? «On est de bons élèves», blague Jéricho Jeudy. L'organisme qui gère Kino Montréal et veille à la bonne santé du réseau, Kino 00, vit avec un budget annuel allant de 80 000$ à 100 000$. Environ la moitié de cette somme provient de fonds privés, précise le directeur général François Toussaint. Au fil des années, Kino s'est bâti un réseau de mécènes qui appuient l'organisation notamment à l'occasion de la soirée Kino VIP. Les kinoïtes peuvent aussi recevoir un soutien technique pour l'utilisation de matériel et le recours à des techniciens professionnels grâce à des partenariats. Les projets spéciaux peuvent aussi être financés à la pièce par des subventions individuelles.

KINO DANS LE MONDE

Kino a fait des adeptes dans le monde: Granby, Charlevoix, Québec, mais aussi Adelaide et Sydney (Australie), Hambourg et Berlin (Allemagne), Lausanne (Suisse) et Vienne (Autriche). La «planète Kino» compte aujourd'hui 50 cellules sur quatre continents. Toutes les cellules sont indépendantes, certaines sont très actives, d'autres moins. Les kinoïtes actifs se croisent lors de cabarets autour du monde, avec le même défi : faire un film en 48 heures. «Kino m'a vraiment permis d'aller tourner à l'étranger dans des décors auxquels peu de cinéastes ont accès, avec des gens de la place», dit Christian Laurence, dont l'un des courts créés en cabaret à Trouville, L'éducation nautique, a connu une carrière plus qu'honorable dans les festivals.

LE COURT AUX RENDEZ-VOUS

Les 10 meilleurs courts métrages des années 2000 seront dévoilés au cours d'un gala organisé à la Cinémathèque demain, sur invitation. Vous pourrez néanmoins découvrir les 10 courts métrages sélectionnés au grand écran, le samedi 23 et dimanche 24. Renseignements sur le site des Rendez- vous : rcvq.com

On peut aussi découvrir d'autres Kino à l'occasion des Rendez-vous : Insulte à mon intelligence, de Kim St-Pierre (le 23 février à 21h45 à la Cinémathèque) ; Ma voisine d'Anastasia Bourlakova et Eau boy d'Éric Gravel (le 18 février à 21h45 à la Cinémathèque) ; Faux plat de Jean-François Robichaud et Une histoire de Greg Nowak  (le 24 février à 16 heures à la Cinémathèque).