Michel Blanc a un peu mis sa carrière de cinéaste de côté car les beaux rôles qu'on lui offre se succèdent. Parmi ceux-là, celui d'un médecin qui tombe sous le charme d'un jeune homme à une époque où une mystérieuse maladie fait son apparition. Dans Les témoins, le nouveau film d'André Téchiné, Michel Blanc n'est rien de moins que remarquable.

Michel Blanc le dit sans ambages: parmi les films auxquels il a participé en tant qu'acteur, Les témoins fait partie de ceux qu'il apprécie le plus. «Il est très certainement dans le peloton de tête, confiait-il au cours d'une entrevue réalisée lors de son passage à Montréal un peu plus tôt cette semaine. Mon classement personnel tient bien entendu à la qualité du film, mais aussi aux souvenirs des tournages, aux rencontres, bref, à l'aventure en général.»

La rencontre entre Michel Blanc et le cinéaste André Téchiné aurait en principe dû avoir eu lieu plus tôt. Le réalisateur des Roseaux sauvages avait en effet déjà prévu un rôle pour l'acteur il y a quelques années, mais le projet avait alors avorté.

«André est quelqu'un avec qui j'avais envie de travailler depuis longtemps, explique celui que nous verrons aussi bientôt dans Le deuxième souffle d'Alain Corneau. Il m'a convoqué en disant qu'il pensait à moi pour un prochain film, mais il ne pouvait rien me raconter de façon précise. Il voulait simplement savoir si j'étais d'accord avant de se lancer dans l'écriture. Évidemment dans mon esprit, c'était oui tout de suite!»

L'accord était évident, mais encore faut-il pouvoir se raccrocher à des repères précis avant de s'engager totalement. «Il faut s'assurer d'être capable de faire ce que le rôle exige, explique Michel Blanc. Très franchement, j'avais très confiance. À moins qu'André ne m'arrive avec quelque chose d'inimaginable, il était clair qu'il pouvait compter sur moi. Quand j'ai pu lire le scénario, j'ai vraiment été bouleversé. C'est une histoire extrêmement émouvante, qu'André a traitée sans aucun épanchement. Malgré la gravité du propos, il y a un aspect très solaire à cette histoire.»

L'acteur se glisse ainsi dans la peau d'un médecin quinquagénaire qui, dans les années 80, tombe amoureux d'un jeune homme (Johan Libéreau) qu'il prendra sous son aile, et qu'il présentera à un couple d'amis (Emmanuelle Béart, Sami Bouajila). L'arrivée d'une maladie mystérieuse, considérée comme une peste moderne et honteuse, viendra bouleverser les destins de ces individus.

Bien que cette époque soit somme toute récente, le traumatisme qu'a laissé dans l'imaginaire collectif l'épidémie du sida il y a un peu plus de 20 ans apparaît aujourd'hui occulté.

«Un peu comme une volonté d'oublier ce qui était un véritable cauchemar, fait remarquer Michel Blanc. Le regard que nous posons sur le sida a évolué au fil des ans. Et cela n'a pas apporté que des choses positives. On assiste maintenant à une banalisation d'une maladie qui, pourtant, n'est toujours pas banale. Il faut se rappeler qu'à l'époque, il y a eu un vent de panique, assorti d'une chasse aux «pestiférés». Il y avait un sida «propre» que contractaient les gens par transfusion sanguine, et un autre, plus «sale», que contractaient les Noirs, les pédés et les toxicos! Il s'agissait d'une période où l'on pouvait se rendre compte à quel point l'être humain est aussi capable de très grande médiocrité.»

Une évolution

Contrairement à ce qui s'est passé à une époque, la plupart des acteurs n'ont par ailleurs plus de réticences à incarner des personnages homosexuels. Pour Blanc, ce ne fut d'ailleurs jamais un dilemme. «Je dois d'ailleurs mon prix d'interprétation au Festival de Cannes en 1986 à Bernard Giraudeau!» lance-t-il en évoquant le refus de l'acteur de camper le rôle que lui avait écrit Bertrand Blier pour Tenue de soirée, personnage qu'a finalement interprété Michel Blanc. Avec le succès que l'on sait. «Je crois qu'il n'y a généralement plus de problèmes à cet égard. Cela dit, mon agent a eu le réflexe de m'inviter à bien réfléchir avant d'accepter de jouer dans Les témoins! Je ne suis pas naïf au point de croire que l'homosexualité ne soit plus un tabou, mais je crois que la réalité homosexuelle est maintenant beaucoup mieux intégrée auprès des jeunes générations.»

«Cela dit, poursuit-il, l'approche est peut-être un peu plus délicate quand des scènes physiques sont en jeu. Sami, par exemple, avait une scène très crue à tourner, montrée de façon tout à fait franche, mais sans aucune complaisance, ni ostentation. Pour un acteur, il s'agit, en fait, de la même dynamique que lorsqu'il faut tourner une scène d'amour dans un lit avec quelqu'un qu'on ne désire pas forcément. C'est là tout le paradoxe du comédien. Jouer quelqu'un d'autre, cela implique de faire des choses qu'on ne ferait pas nécessairement soi-même. Sinon, cela n'a strictement aucun intérêt.»

La composition de Michel Blanc dans Les témoins a en outre été soulignée par ses pairs. L'acteur était en effet en lice hier aux César dans la catégorie du meilleur acteur. Au moment d'écrire ses lignes, le résultat n'était pas encore connu. «Mais je ne m'attends pas à gagner, dit celui qui, de toute façon, ne pouvait être de la cérémonie, préférant assurer la promotion du film en sol québécois. Cela dit, cette nomination m'a fait grand plaisir. C'est un peu comme si on tamponnait ma carte de travail et qu'on m'encourageait à poursuivre dans cette voie, qu'on m'invitait à continuer à camper ce genre de rôles.»

Au mois de mai, Michel Blanc tournera de nouveau sous la direction d'André Téchiné, cette fois dans un drame inspiré d'une affaire dont on avait fait les manchettes il y a quelques années: la fausse agression antisémite d'une jeune femme dans un train de banlieue. Dans ce film où il incarne un avocat, l'acteur aura pour partenaires Émilie Dequenne et Catherine Deneuve.