Dans La ligne brisée, Louis Choquette a mis à l'épreuve Guillaume Lemay-Thivierge et David Boutin. En enfilant leurs gants de boxe pour incarner des gars dont la vie est un long tour DE montagnes russes, les deux acteurs ont joué le rôle le plus exigeant physiquement de leur carrière.

La plume est féminine, mais la forme de La ligne brisée est plutôt masculine. La boxe y est servie sur un plateau d'argent, mais le film de Louis Choquette, dont le scénario est signé Michelle Allen, raconte les petits et grands combats de l'existence. Rien n'est noir ou blanc dans leur Ligne brisée. Rien n'est rose non plus. «Il y a d'abord eu l'idée de la boxe, puis rapidement s'est détachée celle d'une longue amitié, raconte Michelle Allen (Le 7e round, Au nom de la loi). Pour donner quelque chose de plus universel.»

Parce que La ligne brisée raconte d'abord l'histoire de blessures causées lors d'une balade en voiture qui tourne à la tragédie. Deux copains de toujours sont à bord du véhicule. L'un (David Boutin) est en voie de devenir champion du monde en boxe. L'autre (Guillaume Lemay-Thivierge) est loin de pouvoir aspirer à un championnat. Le premier décidera de se taire pour éviter de briser son rêve. L'autre acceptera de le couvrir et ainsi masquer une vérité qui n'est vraiment pas bonne à dire. «La ligne brisée ce n'est pas Rocky contre Drago, raconte Louis Choquette. C'est un crochet au drame sportif conventionnel. Une telle façon de présenter les choses est dangereuse, car on aime prendre parti pour quelqu'un.»

Cinq ans après Secret de banlieue, un film écorché par la critique, Louis Choquette dit présenter son premier vrai long métrage au public. «Secret de banlieue a été conçu pour la télé, explique-t-il. En cours de route, ça s'est transformé en film. Ce fut une très bonne expérience pour comprendre que le cinéma et la télé ont des langages différents. Mais j'ai vite passé par-dessus en me disant que je n'avais pas fait mon premier film.

«Le passage au cinéma fut trippant, ajoute Choquette. J'ai pris plaisir à ne pas tout expliquer, mais à laisser vivre à l'écran.

À ne pas trop découper. C'est moins nécessaire au cinéma. Le grand écran permet une espèce d'intériorité où tout est dit par la simple présence à l'écran.»

Film brutal où on prend le temps de respirer et de faire parler les images, La ligne brisée a des allures de balancier, avec des amis qui passent leur vie à tout perdre et tout gagner. «J'avais entre les mains un suspense sportif que j'ai décidé de ne pas bouder, mentionne Choquette. Mais je voulais aussi lui donner un ton intimiste, cela dit, sans savoir au départ si c'était faisable. On a d'abord eu Raging Bull et The Boxer en tête, mais très rapidement, nos références n'ont plus été des films de boxe. On pensait notamment à Y tu mama tambien pour le côté intimiste. Il fallait que ça reste excitant tout en évitant l'explosion d'hémoglobine.»

Même s'il est écrit par Michelle Allen, Louis Choquette a rapidement fait sien le sujet du film. «Dans les séances d'écriture, je racontais ma vie à Michelle, se rappelle le réalisateur. Le thème de La ligne brisée était proche de moi. Je peux le transposer à quelque chose qui m'est arrivé avec des chums qui m'ont aidé, plus jeune, à devenir un meilleur gars.»

Dans un tel contexte, le ring n'est alors plus juste un lieu de combat, mais une métaphore. «Dans un ring, tu ne peux pas te sauver, note Choquette. Tu es entièrement mis en cause.»

Pendant tout le film, les personnages principaux seront, par ailleurs, hantés par les démons du passé. La victime de leur malheureuse virée en voiture risque constamment de croiser leur route. «La ligne brisée est un film sur la possibilité de réparer, dit Michelle Allen. En travaillant sur Un tueur si proche (série de Canal D relatant des meurtres perpétrés au Québec), j'ai découvert que 80% des crimes sont commis par un intime. J'ai l'impression que personne n'est à l'abri d'être un salaud ou à l'origine d'une affaire grave. Tout le monde est susceptible de faire un coup bas à quelqu'un. Lorsqu'on est la victime, peut-on alors pardonner? Quand on est le fautif, peut-on se racheter? Et comment survit-on à ça? Il y a moins d'histoire à raconter quand ça vient de l'extérieur.»

Même si La ligne brisée est un long métrage aussi intérieur que physique, Louis Choquette a dû trouver des acteurs prêts à tout dans un centre sportif. «Arriver en si peu de temps à être crédible fut tout un défi, raconte David Boutin. Je m'en suis beaucoup fait avec la technique. Je ne connaissais rien à la boxe. Je devais partir de la base.»

Louis Choquette a d'ailleurs dû patienter jusqu'au début du tournage pour se convaincre que Boutin était un choix pertinent. «David n'est pas un gars physique, constate le réalisateur. On a décidé de prendre le risque. Mais ça nous a angoissés. Il s'entraînait énormément, mais sa masse musculaire ne grossissait pas tant que ça. Je rends hommage à ses capacités de transformation!»