La 10e Soirée des Jutra fut celle de Continental, un film sans fusil, qui a remporté quatre Jutra, dont celui du meilleur film, de la meilleure réalisation et du meilleur scénario. Cette reconnaissance des pairs confirme le choix de carrière de Stéphane Lafleur, réalisateur et scénariste d'un premier long métrage singulier.

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Autant récompensé, Silk (Soie en version française) de François Girard s'est vu décerner (hier soir et lors d'une cérémonie hors d'ondes, il y a bientôt deux semaines) les statuettes des catégories meilleure direction de la photographie, meilleure direction artistique, meilleur son et meilleurs costumes.

Or, si plusieurs films ont reçu au moins un trophée, le film le plus nommé cette année, Les 3 p'tits cochons de Patrick Huard (absent de la compétition dans la catégorie meilleure réalisation), a mordu la poussière 13 fois. La comédie dramatique est tout de même la fière détentrice du Billet d'or, remis au long métrage québécois ayant récolté le plus d'argent au box-office. Ce prix, ajouté à la Bobine d'or, récupérée la semaine dernière au Gala des prix Génie, aux Billet d'or et Bobine d'or décernés à Bon Cop, Bad Cop, en 2006 et 2007, confirme l'intérêt de Patrick Huard pour les oeuvres grand public et rassembleuses.

Mais les gens de l'industrie du cinéma ne s'étaient pas réunis au studio 42 de Radio-Canada que pour célébrer une poignée de films. Voilà déjà une décennie que le cinéma québécois s'offre une tribune télévisée festive. Bien des choses ont changé depuis 1999. D'abord, le nombre de films produits par année (qui est passé de 16 en 1999, à 32 cette année), la multiplication des genres et l'intérêt du public pour ses films. Ce que n'ont pas manqué de souligner plusieurs artistes, hier, lors d'une soirée qui a, sans surprise, pris des airs d'hommage au cinéma québécois.

Un party «intime» grand public

Normand Brathwaite, qui a amorcé sobrement le gala, a partagé la scène avec des anciens animateurs de la Soirée des Jutra (Rémy Girard, Élise Guilbault, Yves Jacques et Sylvie Moreau). Animer le début du gala assis n'a pas permis à l'événement de partir sur les chapeaux de roue, mais ce choix de mise en scène a au moins conféré à la salle une atmosphère de party intime auquel tous les téléspectateurs étaient conviés.

Il fallait quelques blagues pour lancer la soirée! Ainsi, l'animateur nous a appris que son gros compte en banque lui a permis de réaliser son premier film. «J'ai même quatre nominations ce soir mais pas comme meilleur réalisateur. C'est dégueulasse!» Le faux film en question de l'animateur (Brume de nuit!), drôlement mauvais, s'est faufilé parmi les vrais nommés du gala et nous a permis de constater que, n'eut été de la position privilégiée de Brathwaite, il n'aurait jamais trouvé sa place dans une telle célébration! Une bonne idée exploitée jusqu'à la fin du gala.

La soirée de deux heures et demie nous a aussi gâtés en moments charmants et courts. D'abord, le discours bourré de clichés de Louise Marleau, qui a joué jusqu'au bout la récipiendaire du Jutra de meilleure actrice pour l'improbable Brume de nuit. Il y a aussi eu les commentaires de Sylvie Moreau qui, contrairement à Normand Brathwaite, «aime passer à autre chose après avoir animé un même gala deux années de suite!» Les sourires de fierté de Marcel Leboeuf et Diane Lavallée après que leur fille, Laurence Leboeuf, eut remporté le Jutra de la meilleure actrice dans un rôle de soutien pour Ma fille, mon ange. Les mots de remerciement rigolos de Réal Bossé, Jutra du meilleur acteur dans un rôle de soutien («Sans nous, les acteurs de premiers rôles seraient vraiment dans la merde») et de Stéphane Lafleur, Jutra de la meilleure réalisation («Je me sens tout petit dans mon kit de Noël!»). Et celui, sans filtre, de Guylaine Tremblay, sacrée meilleure actrice. «Les cinémas Guzzo ne veulent pas distribuer Contre toute espérance, c'est pas gentil. Les spectateurs de ce film en mangent aussi du pop-corn!»

Hommage à Jean-Claude Labrecque

C'est dans cet esprit qu'un hommage à la fois justifié, magnifique et concis a été rendu à Jean-Claude Labrecque. «Un homme qui a su saisir de façon remarquable notre histoire, a annoncé Élise Guilbault à propos du cinéaste et directeur photo qui a près de 50 ans de métier. Tous ceux qui ont travaillé avec lui s'en vantent! Jean-Claude, sans vouloir insister sur ta maturité, tu es un pionnier de notre cinéma.»

Labrecque a lui aussi été bref en acceptant les honneurs: «Depuis les débuts, j'essaie de réchauffer les écrans le plus possible!»

On met notre main au feu qu'il a parlé pour l'ensemble de l'industrie, hier.

Les gagnants

> MEILLEURE RÉALISATION
Stéphane Lafleur, Continental, un film sans fusil

> MEILLEURE ACTRICE
Guylaine Tremblay, Contre toute espérance

> MEILLEUR ACTEUR
Roy Dupuis, Shake Hands with the Devil

> MEILLEURE ACTRICE DANS UN RÔLE DE SOUTIEN
Laurence Leboeuf, Ma fille, mon ange

> MEILLEUR ACTEUR DANS UN RÔLE DE SOUTIEN
Réal Bossé, Continental, un film sans fusil

> MEILLEUR SCÉNARIO
Stéphane Lafleur, Continental, un film sans fusil

> MEILLEURE DIRECTION DE LA PHOTOGRAPHIE
Alain Dostie, Silk

> MEILLEURE DIRECTION ARTISTIQUE
François Séguin, Silk

> MEILLEUR MONTAGE
Éric Drouin, Nitro

> MEILLEURE MUSIQUE
Catherine Major, Le ring

> MEILLEUR DOCUMENTAIRE
Le peuple invisible, Richard Desjardins/Robert Monderie (ONF)

> MEILLEUR FILM D'ANIMATION
Isabelle au bois dormant, Claude Cloutier (ONF)

> MEILLEUR COURT/MOYEN MÉTRAGE
Notre prison est un royaume, Simon Galiero (F.W. Films)

> FILM S'ÉTANT LE PLUS ILLUSTRÉ À L'EXTÉRIEUR DU QUÉBEC
Bon cop, bad cop, Érik Canuel

> JUTRA-BILLET D'OR
Les 3 p'tits cochons, Pierre Gendron et Christian Larouche (Production Zoofilms, Distribution Christal Films)

> MEILLEUR SON
Claude La Haye, Claude Beaugrand, Hans Peter Srobl, Bernard Gariépy Strobl, Olivier Calvert, Silk

> MEILLEURS COSTUMES
Carlo Poggioli, Kazuko Kurosawa, Silk

> MEILLEUR MAQUILLAGE
Diane Simard, L'âge des ténèbres

> MEILLEURE COIFFURE
Réjean Forget, Ma tante Aline

> JUTRA-HOMMAGE
* Jean-Claude Labrecque