Ginny-Marie Case dormait profondément lorsque de violentes explosions déclenchées par les équipes du film à gros budget Transformers l'ont tirée de son sommeil. Comme elle, de nombreux résidants du centre de Los Angeles sont excédés par les multiples tournages se déroulant à toute heure dans leurs quartiers et réclament une réglementation plus stricte en la matière.

«C'étaient les explosions les plus fortes que j'aie jamais entendues», précise Mme Case. «Nous ne savions pas si ça provenait d'un tournage ou si c'était une attaque terroriste.»

Le centre-ville de Los Angeles est le lieu de tournage le plus prisé aux États-Unis pour les films, séries télévisées et publicités pour voitures. Avec le temps, les réalisateurs ont pris l'habitude de travailler avec une assez grande liberté dans ce centre urbain longtemps négligé.

«J'adore les films, mais parfois c'est gênant. Ce n'est pas un plateau d'Hollywood ici», souligne Oscar Linares, 32 ans, en passant avec son chien devant le plateau de la série CSI: New York.

Deux facteurs compliquent la donne: le renouveau du centre-ville et les efforts pour tenter d'enrayer la délocalisation des tournages vers des villes offrant des conditions fiscales plus avantageuses, comme Vancouver ou La Nouvelle-Orléans.

Jack Kyser, chef économiste de la société de développement économique du comté de Los Angeles, souligne que des restrictions renforcées de tournage pourraient inciter les maisons de production à partir ailleurs. «J'espère qu'on pourra trouver une solution qui satisfait tout le monde, mais cela risque d'être très difficile», prévient-il.

L'industrie du divertissement apporte 58 milliards $ par an à l'économie de Los Angeles et de sa région, un chiffre en progrès constant ces dernières années, précise M. Kyser. Hollywood est toutefois ébranlé par la récente grève des scénaristes qui lui a coûté 2,5 milliards $.

La conseillère municipale Jan Perry, dont la circonscription englobe une grande partie du centre-ville, suit attentivement les tractations entre les habitants et les représentants des studios pour parvenir à un accord limitant les tournages de nuit et les bouclages de rues. «Des gens vivent ici maintenant, il faut donc à un moment donné éteindre les projecteurs et les laisser dormir», plaide Mme Perry.

Au total, on recense en moyenne 23 lieux de tournage chaque jour dans le centre de Los Angeles, selon l'organisation à but non lucratif FilmL.A., qui gère les permis de tournage pour la ville. «On ne pourrait pas faire notre série ailleurs», explique Peter Lenkov, producteur exécutif de CSI. «Il y a une ambiance dans le centre-ville de Los Angeles qu'on ne peut trouver nulle part ailleurs.»

Jusqu'à la fin des années 1990, les équipes de tournage pouvaient travailler avec une liberté quasi-totale dans le centre-ville, qui était presque désert la nuit, une fois la foule des employés y travaillant rentrés chez eux en banlieue.

Mais le nombre d'habitants dans la zone a augmenté de manière spectaculaire, passant de 18 700 avant 1999 à plus de 34 000 aujourd'hui, selon l'Association du centre-ville.

Les habitants et commerçants ont toléré les bouclages de rue, les projecteurs et autres désagréments jusqu'à ce qu'une série de perturbations fin 2006, dont les explosions du tournage des Transformers, en poussent beaucoup à bout.

Un modus vivendi envisagé consisterait à interdire les tournages près des habitations entre 23h et 6h sans une autorisation écrite des résidents. Il réduirait également l'espace de trottoir occupé par les équipes des studios et imposerait des limitations à l'utilisation des projecteurs. Le conseil municipal aura le dernier mot sur la nouvelle réglementation.

Timothy Hillman, en charge des lieux de tournage pour CSI, affirme qu'il avertit les habitants susceptibles d'être gênés bien avant l'arrivée des caméras et dédommage les commerçants éventuellement lésés.