D'une certaine manière, Clotilde Hesme et Nicolas Cazalé symbolisent l'arrivée d'une nouvelle génération d'acteurs dans le cinéma français. Ils étaient d'ailleurs en lice il y a quelques semaines pour le César du meilleur espoir; elle grâce à sa participation dans Les chansons d'amour, le film «en chanté» de Christophe Honoré; lui, grâce à sa magnifique composition dans Le fils de l'épicier, le nouveau film d'Éric Guirado.

Bien que les deux interprètes aient suivi des parcours différents pour en arriver là, ils partagent néanmoins cette volonté de varier les modes d'expression.

Clotilde Hesme, par exemple, travaille aussi beaucoup au théâtre. Elle compte notamment guider ses choix selon la nature des projets, que ceux-ci relèvent de la scène ou du cinéma.

«Au cours de mes années de conservatoire, a-t-elle expliqué récemment au cours d'une interview réalisée à Paris, j'ai fait plusieurs rencontres déterminantes, dont celle de Philippe Garrel. C'est lui qui m'a offert mon premier grand rôle au cinéma, dans son film Les amants réguliers. Forcément, il est un peu difficile, après une expérience comme celle-là, de retrouver des projets d'aussi belle envergure. Mais ça se trouve. Il s'agit d'être patient!»

Le film de Garrel, inspiré des événements de mai 68, a d'ailleurs été si marquant que de nombreuses propositions de même nature ont suivi. «Cela m'a tout de suite collé une étiquette d'actrice éthérée qui semble tout droit sortir de la Nouvelle vague. Quand je les rencontre, certains cinéastes sont étonnés de constater que je suis enjouée dans la vie. Et que j'existe en couleurs!»

De son côté, Nicolas Cazalé, révélé chez nous grâce à des films comme Saint-Jacques... La Mecque (Coline Serreau) ou Pars vite et reviens tard (Régis Wargnier), n'a pas hésité à prendre un jour une pause de cinéma pour aller se frotter un peu au monde, histoire de partir aussi à la connaissance de sa propre personne. C'est à cette époque qu'il est d'ailleurs venu faire un petit tour chez nous, explorant une partie du Québec sac au dos.

«J'étais allé jusqu'à Tadoussac! dit-il fièrement. J'en garde un excellent souvenir.» L'acteur se réserve aussi du temps pour se consacrer à la peinture et à la photographie.

Un souci d'authenticité

Forcément, ces deux comédiens ont été interpellés par la démarche d'Éric Guirado, un ancien reporter qui, après un premier long métrage remarqué (Quand tu descendras du ciel), signe Le fils de l'épicier, un drame social et humaniste qui fait écho au déclin du milieu rural. Et les deux interprètes ont pu trouver une belle résonance dans l'histoire que Guirado leur a proposée.

Le récit s'attarde en effet au parcours d'un jeune homme qui, à cause d'une situation financière difficile, ne peut faire autrement que d'accepter de remplacer son père malade (Daniel Duval). Antoine devient ainsi à son tour un épicier ambulant, parcourant les chemins de campagne afin de servir les résidants dispersés sur le territoire. Généralement, ce sont des vieillards pour qui la venue du camion-épicerie constitue le seul lien avec le monde extérieur.

«Ayant moi-même vécu à la campagne pendant 20 ans, je peux vous dire que le regard que pose Éric sur la France rurale est extrêmement juste, commente Cazalé. C'est d'ailleurs ce qui me plaisait dans ce projet: la campagne y est montrée de façon réaliste, sans excès de romantisme, sans aucune condescendance non plus.»

Pour Clotilde Hesme, qui incarne l'amie du personnage principal, Le fils de l'épicier comporte non seulement une valeur sociale, mais aussi une valeur sentimentale à ses yeux. «Mon propre grand-père a été épicier ambulant. J'étais aussi enthousiasmée par la volonté qu'avait Éric de mêler des aspects documentaires à sa fiction. Il y a dans ce film un réel souci d'authenticité.»

Pour justement laisser les accents de vérité entrer le plus possible dans cette fiction, des habitants de la région où le film a été tourné ont aussi été mis à contribution. De même, le scénario n'a servi que de matière de base pour une démarche plus large.

«Nous avons tellement tourné que je ne savais franchement plus à quoi m'attendre au moment du premier visionnement, fait remarquer Nicolas Cazalé. Or, le film ressemble exactement à ce dont Éric et moi avions discuté dès notre première rencontre. J'étais vraiment très heureux. À mon avis, il y a dans ce film une qualité de regard qu'on retrouve aujourd'hui plus rarement au cinéma.»

Sorti au beau milieu du mois d'août en France, Le fils de l'épicier a obtenu là-bas un succès d'autant plus chaleureux qu'il était complètement inattendu.

«Je crois que le succès du film est dû à son absence de prétention, conclut Cazalé. Nous voulions simplement donner du bonheur aux gens. Je crois que l'appel a été entendu!»