La politique a occupé une large place à la traditionnelle conférence de presse du jury du Festival de Cannes, hier après-midi. Il ne pouvait en être autrement avec le choix comme président de l'acteur et cinéaste engagé Sean Penn. L'enfant terrible de Hollywood, réputé pour ses coups de gueule - et ses coups de poing aux paparazzi... - s'est plié de bonne grâce au cérémonial du jeu des questions-réponses, dont la plupart tournaient autour du bilan de George W. Bush et des prochaines élections américaines.

«La politique de Bush en est une de stupidité, c'est la politique du diable», a lancé avec son franc-parler habituel le réalisateur d'Into the Wild. «Le cinéma fait des liens entre le cerveau et le coeur. La politique de Bush est sans cerveau et sans coeur. Connaissant tout cela, il n'est pas difficile d'être opposé à sa façon de gouverner.»

À sept mois de l'élection présidentielle américaine - «la plus importante que j'aie connue et peut-être la plus importante de l'histoire des États-Unis» - Penn a refusé d'indiquer le candidat démocrate qu'il appuyait, entre Barack Obama et Hillary Clinton. Quoi qu'on devine entre les lignes que son coeur balance du côté du sénateur noir de l'Illinois.

«Je n'appuie personne, j'appuie la passion et je suis encouragé par la passion d'Obama. Je souhaite qu'il ne soit pas le candidat de la désillusion. S'il ne peut pas se surpasser, ce sera un échec, voire une sentence de mort (pour sa carrière politique).»

Penn a indiqué qu'il comptait jouer un rôle de président de «consensus» avec le reste du jury pour établir le palmarès final du Festival. Les délibérations se feront en collégialité avec le réalisateur mexicain Alfonso Cuaron (Les fils de l'homme), la cinéaste iranienne Marjane Satrapi (Persepolis), l'actrice israélo-américaine Natalie Portman (My Blueberry Nights), la comédienne française Jeanne Balibar (Va savoir), l'acteur italien Sergio Castellitto (Alberto Express), l'actrice allemande Alexandra Maria Lara (La chute), le réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb (Indigènes) et le cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (Tropical Malady).

À l'exception de Penn, la tête d'affiche de la conférence de presse, bien peu se sont montrés loquaces, particulièrement sur la question politique. Rachid Bouchareb a été le plus intéressant en déclarant que le cinéma ne pouvait y échapper. «Dans le décor, la musique, le choix des acteurs, je ne vois que de la politique.»

Fume, fume, fume...

Avec son ami Clint Eastwood figurant en compétition officielle avec The Changeling, Sean Penn a balayé du revers de la main de possibles accusations de favoritisme en faveur de celui qui lui a permis de remporter l'Oscar du meilleur acteur, en 2003, pour Mystic River. «Si son film mérite un prix, on va lui remettre. Ça ne sert à rien d'être ami avec un membre du jury. Pour moi, la seule chose qui compte, c'est le film que je vois chaque fois.»

Penn a introduit un concept fort original cette année, avec une projection baptisée «Le choix du président». Rien à voir avec les produits maison d'une certaine chaîne d'épiceries, mais plutôt avec un film coup de coeur que le président du jury veut faire découvrir aux festivaliers. Penn a choisi le documentaire américain The Third Wave, d'Allison Thompson, qui raconte l'action de quatre volontaires indépendants qui se rendent au Sri Lanka, 10 jours après le tsunami dévastateur de 2005, pour aider les rescapés. «C'est un film très important dans l'état actuel du monde, un film d'émotions et d'inspiration. Si tout cela n'est pas important, rien ne l'est.»

Fumeur invétéré, Penn n'a pas osé allumer une cigarette pendant la conférence de presse. Il devait trop se rappeler l'amende reçue au Festival international de Toronto, il y a deux ans, pour avoir osé en griller une pendant une conférence de presse. C'est plutôt Marjane Satrapi qui a joué d'audace, en demandant de pouvoir le faire «pour des raisons médicales». Ce qu'elle a fait sans se gêner. Un geste imité par Jeanne Banibar et... Sean Penn, qui d'autre?

Aux dernières nouvelles, le trio attendait toujours la visite des gendarmes...