À la sortie de la première projection de Valse avec Bachir, un seul et même commentaire pouvait être entendu dans toutes les langues: ce film d'animation israélien sera le Persepolis de cette année. Les deux films n'ont pourtant pas grand-chose en commun, si ce n'est cette volonté de faire écho à un parcours personnel bousculé par l'histoire, et de raconter le périple sous la forme d'un film d'animation.

Waltz with Bashir, présenté hier en compétition officielle, est un «documentaire d'animation», genre que revendique pleinement l'auteur cinéaste Ari Folman.

«Jamais il ne m'est venu à l'esprit de tourner ce film en images réelles, a-t-il expliqué hier, parce que cela aurait donné un documentaire classique. Et franchement pas très intéressant sur le plan formel. Comme le film est construit à l'aide d'interviews que j'ai réalisées avec d'anciens compagnons, nous n'aurions alors vu que des hommes parler devant une caméra de choses qu'ils ont vécues il y a 25 ans. En utilisant l'animation, nous avons pu aller bien au-delà.»

Victime d'un traumatisme qui a carrément effacé de sa mémoire les événements qu'il a vécus alors qu'il était jeune soldat, Ari Folman a dû faire une profonde introspection au moment où il a atteint la quarantaine.

«À cet âge, nous ne sommes plus tenus d'être réserviste, fait remarquer Folman. Pour fin de documentation, l'armée recueille alors les témoignages des vétérans qui veulent partager leur expérience. C'est à ce moment-là que je me suis rendu compte que je n'avais jamais parlé de ce que j'avais vécu à personne. Ma mémoire avait même complètement effacé cet épisode. J'ai donc eu l'idée du film en allant retracer des gens qui étaient présents dans ma vie à cette époque.»

L'époque, précisons-le, était bien particulière. Au début des années 80, à l'âge de 17 ans, Ari Folman, alors en service militaire, est en poste au Liban. Il assiste notamment au massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila, perpétré par des phalangistes chrétiens dans un secteur pourtant occupé par l'armée israélienne. Par ailleurs, le Bachir du titre est Bachir Gemayel, leader libanais chrétien, dont l'assassinat a déclenché les massacres. Ironie du sort, le Liban vivait aussi des instants tragiques au moment où Folman était en pleine préparation d'un film qui lui aura pris quatre ans à mettre en chantier.

L'auteur-cinéaste décide ainsi de repartir à la trace de sa mémoire le jour où un ami lui raconte les cauchemars récurrents auxquels il est en proie, lesquels remontent à l'époque de la première guerre du Liban. Un vague souvenir remonte alors. Et déclenche chez le cinéaste l'envie de découvrir la vérité en interpellant d'anciens compagnons d'armes, disséminés un peu partout dans le monde.

Empruntant la forme d'un journal intime, Waltz with Bashir devient ainsi un portrait impressionniste poignant, l'animation octroyant au récit un grand pouvoir d'évocation.

S'appuyant sur les véritables témoignages des personnes rencontrées (deux d'entre elles ont toutefois refusé d'apparaître devant la caméra sous une forme ou sous une autre), Folman propose ici un film rien de moins que bouleversant, de très belle forme graphique aussi.

Le coup de grâce est toutefois donné à la toute fin, alors que l'auteur-cinéaste, dont la mémoire est retrouvée, insère quelques rares scènes d'archives tournées après les massacres. L'effet est saisissant.

«Je ne voulais surtout pas que le spectateur sorte de la projection en ayant l'impression d'avoir vu un film d'animation cool avec de la bonne musique, explique Ari Folman. Un vrai drame a eu lieu. Des femmes, des enfants ont été massacrés. Oui, il s'agit d'un film d'animation, mais la tragédie à laquelle on fait écho dans ce film n'est que trop réelle.»

Prenant l'affiche le mois prochain en Israël, Waltz with Bashir devrait en principe faire les beaux jours du circuit festivalier au cours des prochains mois.

Prison des femmes

Elle se lève un matin avec du sang sur les mains. Les corps ensanglantés de deux hommes gisent par terre dans son appartement. On l'arrête. On l'enferme en prison. Elle ne comprend plus, ne se souvient plus. Pendant que celui qu'elle a surpris un soir dans les bras d'un autre homme - l'une des victimes est libre comme l'air, elle doit purger une peine de plusieurs années. Enceinte, on la confine toutefois dans une aile où les détenues vivent avec leurs rejetons. Qu'on leur enlève dès qu'ils atteignent l'âge de 4 ans.

Sans aucun pathos, le cinéaste argentin Pablo Trapero propose, avec Leonera, un film qui se distingue par sa justesse. Portée par une performance magnifique de Martina Gusman, première candidate sérieuse au prix d'interprétation, Leonera est aussi marqué par la présence de la chanteuse franco-uruguayenne Elli Medeiros, étonnante dans le rôle de la mère de la jeune femme.

Nos critiques

Waltz with Bashir
* * * *

Leonera
* * * 1/2

En compétition aujourd'hui

Un conte de Noël d'Arnaud Desplechins, premier film français de la compétition.
Les trois singes de Nuri Bilge Ceylan, figure de proue du nouveau cinéma turc.