L’Office national du film (ONF) du Canada a été un acteur de premier plan dans le développement du cinéma d’animation au XXe siècle. Son président entend lui redonner un rôle tout aussi capital au XXIe. Pour Tom Perlmutter, l’avenir se trouve notamment dans le cinéma stéréoscopique, un domaine qui, à son avis, reste encore à peine exploré.

Le million de dollars et des poussières investi par l’ONF dans Champlain retracé, une œuvre en trois dimensions, du cinéaste Jean-François Pouliot, démontre le sérieux de l’orientation. Le court-métrage produit en collaboration avec le Musée de la civilisation vient d’intégrer l’exposition permanente du Centre d’interprétation de place Royale. Au risque de se répéter, on peut affirmer qu’il s’agit d’un petit bijou d’imagination et de finesse.

«Ce n’est pas la technologie qui nous intéresse, mais la maîtrise de la technologie par l’artiste», faisait valoir le patron de l’Office lors d’une entrevue accordée à l’issue de la projection de presse, cette semaine. Encore sous le charme du film, on ne pouvait que lui donner raison.

«Il y a quatre où cinq ans, commence par expliquer M. Perlmutter, on a redécouvert la prise de risque. C’est vraiment là où se trouve le rôle fondamental et essentiel d’un producteur et d’un distributeur public. Sinon, ce n’est pas la peine.» Il faut rappeler qu’en 1996, à la suite de la réduction importante de son financement, l’ONF a perdu 30 % de son budget et la moitié de ses employés. C’est le genre de traumatisme dont une organisation prend du temps à se relever. «Une fois revenu du choc, on s’est mis à repenser à ce que devrait être l’ONF et à chercher à retrouver son esprit fondamental», raconte celui qui en a pris la présidence en 2002. Depuis, l’Office a enregistré cinq nominations aux Oscars et remporté deux statuettes.

M. Perlmutter cherche avant tout à redonner aux artistes de l’ONF les moyens de changer notre façon de voir le monde. L’intérêt d’un film comme Champlain retracé se situe dans la réflexion et l’interrogation qu’il suscite. «C’est une exploration qui permet de mieux connaître le personnage, dit-il. C’est ce genre d’engagement envers l’histoire qui est pertinent aujourd’hui.»

Le court-métrage de Jean-François Pouliot s’inscrit également dans un courant d’expérimentation qui vise à faire de l’Office un chef de file dans le domaine de la cinématographie stéréoscopique. «Le 3D sera bientôt beaucoup plus présent, croit fermement M. Perlmutter. Disney vient d’annoncer que d’ici trois ans, tous ses films d’animation seront conçus en trois dimensions.»

Il paraît que l’industrie travaille très fort en ce moment pour créer une technologie télévisuelle en conséquence. Si tout cela est vrai, on risque effectivement de ne plus voir bientôt le monde tout à fait de la même façon.

Une question de courage et de ténacité

Quel est le véritable fondateur de Québec? Pour Jean-François Pouliot, là n’est pas la question. Ce qui intéressait le réalisateur de Champlain retracé, c’était plutôt de pouvoir raconter le courage et la ténacité de ceux à qui l’on doit aujourd’hui l’existence d’une société francophone en Amérique.

«Entre 1608 et 1629, il n’y a jamais eu plus de 100 personnes à Québec», rappelle le cinéaste à qui l’on doit notamment La grande séduction. Devant la qualité du travail accompli dans le temps très court dont disposaient Pouliot et son équipe d’animateurs pour faire le film, on se dit qu’ils doivent eux aussi posséder un certain tempérament.

Jean-François Pouliot ne contredira personne à ce sujet. «Il était minuit moins une», avouait-t-il à l’issue de la première projection publique du film cette semaine. «Il y a quatre ou cinq jours, on faisait encore des ajustements.»

Le projet a commencé à prendre forme en novembre. Le tournage des scènes réelles, avec la comédienne Pascale Montpetit, a eu lieu fin janvier, et le travail d’animation a débuté à la fin de février. La capacité de développer un langage propre au 3D à l’intérieur d’un délai aussi rapproché donne une certaine idée de l’expertise dont dispose désormais l’ONF dans ce domaine.

Au final, le spectateur se sent complètement immergé dans l’image, de sorte que, comme l’a fait judicieusement remarquer David Verrall, le producteur délégué du film, on donne au spectateur une raison d’être heureux de porter des lunettes 3D.