«Il faut que les acteurs soient un peu nus pour qu'ils soient bons» affirment, dans un entretien à l'AFP, les Belges Jean-Pierre et Luc Dardenne qui briguent une troisième Palme d'or à Cannes avec leur drame Le silence de Lorna.

Q : Comme Rosetta, Lorna est une femme qui veut sortir de la marge?

Luc Dardenne : «Notre film parle de quelqu'un qui veut avoir sa place au soleil, une femme originaire d'Albanie qui vit en Belgique depuis deux ans. Elle rêve de devenir belge et d'ouvrir un snack avec son ami, qui travaille sans papiers en Italie. Mais cela implique la mort de quelqu'un... Va-t-elle parler ou non? Elle ne veut pas avoir de sentiments pour Claudy avec qui elle a fait un mariage blanc, elle ne voit en lui qu'un camé qui va mourir. Mais rien ne va se passer comme prévu... C'est le parcours de quelqu'un qui s'humanise».

Q : Comment avez-vous trouvé la comédienne, la jeune Kosovare Arta Dobroshi?

Luc Dardenne : «Au départ, le scénario demandait une jeune femme venue d'un pays en dehors de l'Union européenne, elle aurait aussi bien pu venir de Russie ou du Brésil. Puis nous avons pensé à une Albanaise. Nous avons alors cherché la comédienne, sans aucun présupposé. Il fallait juste qu'elle soit belle et âgée d'environ vingt-cinq ans. Notre assistant est parti en Albanie et a filmé cent jeunes comédiennes parmi lesquelles il y avait Arta, que nous avions vue dans deux films tournés là-bas. Elle nous plaisait, elle parlait albanais, bosniaque et anglais... mais pas français, qu'elle a appris pour le film».

Jean-Pierre Dardenne : «La caméra l'aime bien et elle est malléable. Jérémie a perdu quinze kilos pour jouer son rôle, Fabrizio en a pris six, et Arta s'est coupé les cheveux court pour la première fois de sa vie. Il faut que l'image que les acteurs ont d'eux-mêmes tombe, il faut qu'ils soient un peu nus pour qu'ils soient bons».

Q : C'est une année faste pour la Belgique à Cannes avec six films sélectionnés, toutes sections confondues?

Jean-Pierre Dardenne: «Nous nous en réjouissons, nous sommes heureux qu'un petit pays comme la Belgique, qui n'a que dix millions d'habitants, puisse faire autant de films de qualité, montrés à Cannes. C'est le plus grand festival de cinéma du monde, c'est formidable! Maintenant, il faut que le public soit formidable lui aussi et ne se refuse pas le plaisir d'aller voir ces films».

Luc Dardenne : «Sans faire de culte de la personnalité, il faut rendre hommage à la persévérance d'Henri Ingberg, le secrétaire général du ministère de la Communauté française, à qui nous avons dédié le film (il est disparu en octobre 2007). Il a beaucoup aidé nos hommes politiques à prendre conscience des enjeux du cinéma».